Soutenir le vide

Re-bonjour V/ !

Après une période de production de bonbons un peu laborieuse de ma part, je prend de l’avance cette fois ! Merci à toi d’avoir soutenu le rythme ces dernières semaines et d’avoir, avec une main de fer dans un gant de velours, permis que nous continuions nos échanges qui me sont chers autant qu’à toi !

J’ai partagé et diffusé récemment avec toi et deux autres amies proches une phrase. Elle me vient d’une femme qui m’a beaucoup aidée et inspirée, et j’ai envie d’y revenir ici. Dans une période assez difficile pour moi il y a longtemps, elle m’a dit :

“Avant de chercher à l’extérieur comment combler ou remplir, il faut d’abord apprendre à soutenir ce vide”

Itaka

Je n’ai pas compris tout de suite, et puis c’est devenu un sésame pour moi, que je ressasse comme un mantra depuis lors, pour qu’il diffuse à tous vents.

Le vide, c’est celui que l’on ressent quand il y a trop d’espace, trop de possibles. Parce que l’on n’a rien prévu comme activité, qu’il n’y a pas de contraintes et que le temps est ouvert, béant devant nous. On en rêve souvent et finalement quand cela se présente il y a un moment d’hébétude, un réflexe de “je fais quoi maintenant tout de suite ?”.

Un autre vide, c’est celui laissé par l’absence, d’un être cher ou d’un compagnon de route, ou plus simplement de ceux qui partagent habituellement notre vie quotidienne. Ou simplement celui d’un week-end ou d’une soirée sans contacts avec le monde extérieur.

Et puis il y a le vide de sens, que certains ne connaissent pas, que j’ai découvert assez tard pour me souvenir comment c’était avant (avant j’avais un mécanisme dans la tête qui ne s’enrayait jamais, je trouvais que les gens se posaient des questions compliquées, et j’étais bonne en Maths). Je l’appelle maintenant faille ou vide existentiel(le). Il nous rattrape parfois alors même que l’on est dans une soirée entourée de beaucoup de gens, qui ne voient pas le trou à l’intérieur de toi.

Bref, tu vois de quoi je parle puisqu’il t’a visitée récemment, ce vide dans sa version positive du “champ des possibles”.

Soutenir ce vide, ça veut dire résister à la tentation de ne pas le regarder, de l’éviter, de le combler. Au moins un peu. Commencer par ne pas agir (c’est pas instinctif), le ressentir (c’est pas drôle), le contempler (ça peut angoisser, ça peut faire mal) et puis rester avec (c’est assez étrange au début). Et puis là, une détente se crée, une urgence disparait, une angoisse s’apaise. On peut se demander “de quoi on a besoin” et pas “ce qu’on va faire”. Si l’on arrive à faire ça, petit à petit, la peur du vide disparait, on ne tombe pas dans le vide, et le vide aussi finit par se dissoudre. C’est ce qu’on appelle le vide fertile !

(Si, je te jure, le vide ça se dissout. Si si.)

(Non, je ne vais pas te mentir, je n’y arrive pas à chaque fois. Non non.)

Mais ça m’a changé la vie!

Grosses bises!

F/.


Solitude générationnelle

Hello V/ !

Toujours un peu dans la machine à laver, j’ai l’impression que le mois de juin a comme d’habitude fait l’effet d’une fin de programme pour moi : je suis rincée, essorée! Mais l’avantage c’est que je sens que l’ouverture du hublot est proche 🙂 Merci de me procurer un point fixe quand je regarde à travers, c’est un des ancrages précieux qui m’aide à ne pas avoir le mal de mer. Trêve de métaphore ménagère, je viens partager avec toi un drôle de sujet : je suis à la recherche de ma génération.

Ces derniers temps j’ai commencé à penser mes coups “à 3 bandes” : l’étape suivante, puis l’autre, qui mène à dans 10 ans. “Dans 10 ans” c’est une intuition mêlée de quelques images, absolument pas une position précise. Je réfléchis sous l’angle professionnel parce que c’est là qu’est le point d’inflexion aujourd’hui, mais du coup cela tire des sujets plus larges. Pour aider, j’ai rencontré et échangé avec pas mal de monde. En très peu de temps.

J’en suis ressortie avec un sentiment de solitude générationnel.


Je me sens vieille, et jeune, et trop vieille, et trop jeune, et où sont-ils les gens de mon âge ? Age tout court, mais aussi âge mental, physique, professionnel, spirituel… Je parle plutôt de maturité que d’âge en nombre d’années en fait.

J’ai pourtant fini ma 36è année en me disant que c’était une des plus belles de ma vie. Pleine, épanouie, simple, alignée, redistribuante (c’est moche mais ça dit bien ce que ça veut dire!). Un sentiment de justesse et d’harmonie qui se suffit à lui même mais qui circule autour. L’âge en soi n’était pas un sujet, j’ai toujours senti la vie comme des cycles, et à un niveau très personnel j’avais l’impression de “bien habiter mon âge”. Et pourtant en ce moment…

  • Je me retrouve face à beaucoup de personnes plus jeunes, voir beaucoup plus jeunes, qui font et disent la même chose que moi. Qui semblent avoir dépassé des peurs que j’ai toujours. Qui semblent plus à l’aise sur beaucoup de sujets (ok je bosser dans le digital… mais quand même). Suis-je déjà dépassée ?
  • Et en même temps qui manquent d’une forme de quelque chose parfois qui me manque, et que j’ai besoin d’aller chercher chez des “plus vieux”. Suis je gérontocrate ?
  • Je me retrouve face à des gens plus vieux, auprès desquels je cherche nourriture et vision, pistes et intuitions, et que je ne trouve pas. Suis-je trop exigeante ? Trop naïve ?
  • Et en même temps qui ont un statut un poste une expérience qui me semblent bien supérieurs au mien. Suis-je en retard ?

Mais où sont-ils ces gens de mon âge? De mon âge de vie je veux dire. Incroyable mais vrai, dans aucun cercle professionnel actuellement je ne partage cette équivalence d’âge et de vie. Je me sens donc en avance/en retard, puissante/minuscule, humble/prétentieuse, meneuse/suiveuse, en retrait/en avant, fière/honteuse… Tout en même temps !

Je crois qu’en t’écrivant la réponse me vient d’elle-même : il n’y en a pas, ou alors juste pour un temps. Mon rythme est singulier et c’est une chance d’avoir des compagnons de route mais normal de faire des portions seule. Allez ma grande, marche seule et hauts les cœurs !

A toi chère amie 🙂

F/.