Sérénité ou tourbillon émotionnel

Salut F/!


Je reprends ma plume, ou plutôt mon clavier, après cette longue pause de fin d’été puis de rentrée… Quel rythme dense depuis quelques semaines! Impossible de souffler, de prendre du temps pour moi, et encore moins assez de recul pour rédiger un bonbon!
Et pourtant, malgré ce rythme effréné, je ne suis pas au bout du rouleau, comme cela a pu être le cas tellement souvent par le passé. J’ai un tempérament fougueux, des accès de colère (souvent intériorisés), un geyser d’émotions qui parfois me dépasse. Je me souviens, il n’y a pas si longtemps encore, d’avoir tenu des propos tels que “je vais m’allonger sur un trottoir et mourir de fatigue” ou “si la vie c’est ca, alors à quoi bon” dans des périodes du même type – des propos très gais, quoi 🙂

Alors, qu’est-ce qui a changé depuis quelques mois? Le changement de ville et de rythme de vie y a fait, c’est sûr. Mais je crois que la différence fondamentale, c’est tout le travail que j’ai mené sur l’exploration de ma singularité – ce pour quoi je suis vraiment faite dans la vie. Loin de moi l’idée de dire que ce travail est abouti, mais il est maintenant assez avancé pour me servir de guide, de phare dans mes décisions. Il explique souvent ma frustration (quand je me sens bridée dans l’expression de cette singularité, ou “à côté de la plaque”), mes sentiments de plénitude quand je peux l’exprimer pleinement, et me fait toucher de plus en plus souvent cet état de “flow” dont parlent certains.

Certes, je ne connais plus la force ou la fougue des émotions de la même manière, et l’on pourrait dire que d’une certaine manière, elles se sont tempérées. Et pour autant, j’y ai largement gagné en sérénité, et en clairvoyance sur ce qui me fait vraiment du bien. Une sacrée corde à mon arc pour la suite!


Je t’envoie de grosses bises depuis le TGV qui me ramène vers l’ouest, et te dis à très vite,
V/

Je suis blasée ?

Dis donc V/,

J’ai l’impression d’être un triste sire.

Je vois toujours les améliorations possibles partout, je n’aime pas la course à l’effet wouhaou, je suis à l’aise avec la réalité plus qu’avec le storytelling, je suis rarement satisfaite d’un livrable ou d’une production dans l’absolu ni de ma part, ni de celle des autres (à part les vraies œuvres d’art…), j’admire rarement quelque chose ou quelqu’un, je n’ai pas beaucoup de références ou de modèles (je n’arrive jamais à répondre à cette question), je suis rarement profondément touchée par une production créative de mon entourage, j’ai du mal avec l’euphorie et l’excitation, j’ai du mal à être optimiste quand au sort de la planète, des animaux et des hommes finalement..

Je suis blasée tu crois ?

Pour autant je suis d’une nature plutôt gaie, me délecte de petites choses, je jubile devant un bon plat, je trouve que les initiatives personnelles ont une valeur folle, j’aime le processus de création même si je n’admire pas le produit, je trouve que les gens ont tous une part de folie, de puissance, de grandeur, je me sens minuscule face aux gens qui entreprennent de grandes choses, je peux pleurer et danser au son de musiciens immenses, frémir devant un tableau, me nourrir d’un bon texte, faire l’amour naturellement, je ris souvent, je sais que les bonnes surprises sont légion dans la vie et les relations, que la fête est dans chaque instant et l’aventure au coin de la rue, que l’amour existe, et que le bonheur est dans le pré, j’aime me battre pour ce(ux) en quoi je crois, défendre mes convictions, apprendre à la folie, être curieuse avec des curieux, échanger des idées, faire circuler faire circuler…

Je crois que je me trouve chiante et quand je me trouve chiante je dois être chiante. Faut que j’aille boire une bière au café du coin…

F/.

Avoir un café du coin

Hello V/,

J’ai du mal à ouvrir un ordinateur hors des longues heures de boulot en ce moment, ce qui décale imperceptiblement nos bonbons du lundi… Et je suis encore dans un train.

Je ne comprends toujours pas ce qu’il se passe quand je me mets à t’écrire, ça n’est jamais ce que j’ai pensé qui vient. Aujourd’hui j’avais envie de partager avec toi quelque chose qui fait du bien, et pas mon humeur du moment. Et ce qui vient, c’est que je te parle encore de mon café du coin !

Un café du coin, c’est presque chez soi mais c’est pas chez soi. C’est un café qui ne demande pas d’effort psychologique (ou physiques !) pour y aller, il est pas loin, ou sur la route, peu importe la tête qu’il a c’est son emplacement en plein milieu de ta vie quotidienne qui le définit et pas “le fooding” ou “le bonbon” (NB : j’avais oublié ce magazine qui a déjà déposé ce nom )

Les tôliers c’est important aussi. Selon ta nature il faut les chaleureux qui accueillent, les blagueurs qui divertissent, les taiseux qui respectent… Certains savent quand faire quoi et là ça peut devenir un vrai café du coin. Je ne sais pas si ces gens là se doutent de la place qu’il tiennent dans ta vie, toi qui ne fait que passer chez eux.

Les autres clients aussi c’est important, ils ne doivent pas te ressembler non. Mais ils doivent te permettre d’être là toute seule en étant bien. Bon, pas forcément la première fois, mais au bout de quelques fois, quand ils se sont habitués à toi, ne te fixent plus, te saluent de loin ou de près, te laissent la place que t’aimes…

Un comptoir ou tu peux t’asseoir, ou les tasses et les bock claquent, et qui est froid sous tes coudes. Un vrai, ou le café est deux fois moins cher qu’à table.

Et le reste c’est du plus, c’est le fait que tu puisses grignoter, te connecter… A l’occasion.

Le café du coin, on peut y aller le matin, parce que la perspective de sortir de chez soi pour voir des visages « habituels » et boire un café au comptoir est plus facile à envisager quand on ouvre l’œil que celle d’aller directement au métro ou au boulot (et le dodo est derrière nous donc…).

Quand « trop travailler rend malheureux », on peut y aller pour faire l’inverse de ce qui nous fait plonger : s’obliger à y passer le matin avant d’aller travailler, et arriver plus tard quand on voudrait arriver plus tôt. Y travailler quelques heures au lieu d’aller au bureau quand on a besoin de s’isoler. Y faire l’école buissonnière après un petit déjeuner ou un déjeuner pour se rendre compte qu’il y toujours du plaisir dans la procrastination !

Le soir, on peut y aller pour rendre le quotidien festif. Une invitation rapide, un verre impromptu, un moment où l’on sort sans avoir vraiment à faire l’effort de sortir. Avant de rentrer chez soi sans effort non plus.

On peut aussi , le soir, en faire un sas de décompression génial : un passage là pour laisser sa journée avant de rentrer. Laisser des humeurs qu’on n’a pas envie d’inviter chez soi. Y aller seule pour mieux retrouver ceux qui attendent à la maison, ou y aller à plusieurs pour mieux rentrer ensemble. On peut y discuter beaucoup, parler de la vie, lire les journaux, regarder un match, se poser là, ne rien faire, attendre, ne pas être seul, ou l’être au milieu d’autres.

Le week-end, c’est pas les mêmes gens c’est pas les mêmes heures. Le temps est plus long, plus étiré, et il y a toujours quelqu’un pour accueillir tes lendemains de soirée.

Et puis tu peux même y laisser tes clés, pour ta famille ou tes amis. Ou bien pour toi quand tu es à la rue parce que tu es parfois trop toi et dans ces cas là y a souci. Ou que Air France a perdu ton sac où elles étaient rangées, aussi…

Le café du coin c’est l’aventure au coin de la rue, c’est ton assurance hébergement, et c’est aussi un des seuls endroit sans engagement ! Pas de compte, pas d’attentes, pas d’habitudes, pas d’abonnement.

Et c’est là que j’aimerais bien te retrouver plus souvent, et surtout en ce moment.

Je t’embrasse.

F/.