Salut F/,
J’espère que tu passes un bon week-end au moulin. De mon côté, super week-end avec des amis venus nous voir de Belgique, et pour autant, j’entame ce lundi férié avec le ventre noué… Je suis tombée hier, une fois encore, sur un article du Monde intitulé “Crise climatique : l’appel de 11 000 scientifiques pour éviter des “souffrances indescriptibles””. Ce n’est pas le premier de la sorte que je lis, bien sûr, mais ils me font à chaque fois le même effet.
En a suivi une discussion enflammée entre amis, qui aboutit, comme toujours, à la même conclusion : on sait tous qu’on arrive au bout d’un système, que les choses vont devoir changer drastiquement, que ce modèle de vie ne peut pas perdurer. Et pour autant, personne n’est prêt à faire ce saut vers une autre vie. Cyril Dion l’écrivait il y a quelques mois, pour une famille avec 2 enfants, pour vivre sur l’équivalent d’une planète, il faut être vegan, arrêter l’avion, vivre dans 80 m2 exclusivement chauffés avec des énergies renouvelables, limiter ses trajets en train à 200 km par an je crois… Alors, qui peut accepter ça, alors que le reste du monde continue à vivre “comme avant”, en essayant certes de limiter ses déchets plastiques et à faire son compost, mais bien conscient que ca ne sera jamais assez ?
Je me sens là dans un paradoxe existentiel. L’une de nos amies a dit hier que son père pensait que “de toute façon, on était tous foutus”, et cette phrase m’a fait bondir. Je n’accepte pas de baisser les bras, d’abandonner le monde à son triste sort, et pour autant, je vois bien que la tâche est immense. J’ai fondé ma boîte sur l’idée de libérer l’action individuelle au service du collectif, et parfois, moi aussi j’ai envie de mettre des oeillères, de regarder ailleurs et de booker tranquillement mes prochaines vacances en Italie. Mais alors, comment on fait pour continuer à se lever le matin, avec cette contradiction bien vissée dans le crâne ?
Moi ce qui m’aide, c’est de prêter attention à ce que me disent des gens qui ont vécu ou vivent des expériences difficiles. Qui du coup, ont un recul sur la vie que je n’ai pas. Comme mon oncle par exemple, gravement malade et confronté à une situation très compliquée avec l’un de ses enfants, et qui écrit : “La merveilleuse potentialité de la vie et du bonheur est toujours là. Elle n’est pas conditionnée à la possibilité de bouger tel ou tel orteil, ni de contrôler bien ou mal ses sphincters. Le bonheur est à trouver dans ce qui nous est donné. Et il nous est beaucoup donné. Il n’y a pas d’excuses à ne pas le chercher. Il faut juste lâcher les regrets stériles et s’occuper vraiment de le chercher. Avec l’aide de tous ceux qui veulent.”
Oui, ça, ça m’aide.
Je t’embrasse fort,
V/