C’est donc ça, la vie ?

Salut F/,


J’espère que tu passes un bon week-end au moulin. De mon côté, super week-end avec des amis venus nous voir de Belgique, et pour autant, j’entame ce lundi férié avec le ventre noué… Je suis tombée hier, une fois encore, sur un article du Monde intitulé “Crise climatique : l’appel de 11 000 scientifiques pour éviter des “souffrances indescriptibles””. Ce n’est pas le premier de la sorte que je lis, bien sûr, mais ils me font à chaque fois le même effet.
En a suivi une discussion enflammée entre amis, qui aboutit, comme toujours, à la même conclusion : on sait tous qu’on arrive au bout d’un système, que les choses vont devoir changer drastiquement, que ce modèle de vie ne peut pas perdurer. Et pour autant, personne n’est prêt à faire ce saut vers une autre vie. Cyril Dion l’écrivait il y a quelques mois, pour une famille avec 2 enfants, pour vivre sur l’équivalent d’une planète, il faut être vegan, arrêter l’avion, vivre dans 80 m2 exclusivement chauffés avec des énergies renouvelables, limiter ses trajets en train à 200 km par an je crois… Alors, qui peut accepter ça, alors que le reste du monde continue à vivre “comme avant”, en essayant certes de limiter ses déchets plastiques et à faire son compost, mais bien conscient que ca ne sera jamais assez ?

Je me sens là dans un paradoxe existentiel. L’une de nos amies a dit hier que son père pensait que “de toute façon, on était tous foutus”, et cette phrase m’a fait bondir. Je n’accepte pas de baisser les bras, d’abandonner le monde à son triste sort, et pour autant, je vois bien que la tâche est immense. J’ai fondé ma boîte sur l’idée de libérer l’action individuelle au service du collectif, et parfois, moi aussi j’ai envie de mettre des oeillères, de regarder ailleurs et de booker tranquillement mes prochaines vacances en Italie. Mais alors, comment on fait pour continuer à se lever le matin, avec cette contradiction bien vissée dans le crâne ?

Moi ce qui m’aide, c’est de prêter attention à ce que me disent des gens qui ont vécu ou vivent des expériences difficiles. Qui du coup, ont un recul sur la vie que je n’ai pas. Comme mon oncle par exemple, gravement malade et confronté à une situation très compliquée avec l’un de ses enfants, et qui écrit : “La merveilleuse potentialité de la vie et du bonheur est toujours là. Elle n’est pas conditionnée à la possibilité de bouger tel ou tel orteil, ni de contrôler bien ou mal ses sphincters. Le bonheur est à trouver dans ce qui nous est donné. Et il nous est beaucoup donné. Il n’y a pas d’excuses à ne pas le chercher. Il faut juste lâcher les regrets stériles et s’occuper vraiment de le chercher. Avec l’aide de tous ceux qui veulent.”
Oui, ça, ça m’aide.

Je t’embrasse fort,

V/

Echanges d’otages

Salut V/ !


Je pense à toi qui décompresse de tes deux mois d’activité frénétique, et je me dis que si c’est comme les paliers de décompression en plongée tu n’en auras pas qu’un, alors j’espère que tu auras le temps de revenir à la surface avant de replonger ! Prends ton mal en patience, ou en machine à coudre.


J’ai parlé lors du boot camp d’écriture (où tu n’étais pas snif) de pourquoi je voulais écrire, et la réponse qui m’est venue est : j’ai l’impression d’aider des gens dans la vie en leur livrant des bouts d’expérience personnelle qui raisonnent pour eux et provoquent des déclics, l’écrire permettrait de le faire de façon plus large et asynchrone. Et j’ai parlé du fait que j’appelais cela des “échanges d’otages”. En fait c’est un terme qu’avait inventé mon amie Clémence lorsque nous partagions énormément nos expériences entre nous, et avec d’autres qui ne nous connaissaient pas forcément. Et comme c’est un peu ce que fait notre blog aussi je me suis demandée comment qualifier cela.


J’ai comparé aux approches d’aide et accompagnement formelles, pour voir appliqué à la vie quotidienne et à la relation non thérapeutique/non professionnelle en quoi ces échanges d’otages avaient une vraie valeur et une vraie originalité.
– L’approche très neutre : le coach au sens puriste extrême du terme. Il ne devrait que questionner habilement pour faire émerger, et surtout pas amener des choses personnelles ou orientées dans l’affaire. Il parle donc pas ou peu de lui, son ressenti, son expérience. Tout au plus il fait des propositions, ou apporte des méthodes.  Dans la vraie vie : tu sais, ces potes qui te procurent un bien être fou, t’écoutent mieux que tous les autres, mais au final tu as l’impression d’atteindre un plafond de verre sur le partage profond car ils ne livrent rien de personnel ? Voilà la limite.
– L’approche “sachante” : le psy qui se prononce et décrypte selon ses modèles, il est tout sauf neutre mais il l’est avec un référentiel théorique. Sa personne fait partie du processus thérapeutique mais sa personnalité authentique et son vécu ne sont pas partagés. Il est plus un expert conscient de sa non neutralité qu’une personne pendant la séance. Il sait où il veut en venir. Dans la vraie vie : parfois c’est éclairant, mais très jugeant et posture haute donc peut braquer. Et puis qui peut se poser en expert des expériences personnelles…?
– L’approche “expérientielle” : en toute conscience et avec protection et lucidité, le thérapeute utilise sa présence, expérience, sa personne authentique pour raisonner pendant le processus. Il part du patient et de ce qu’il vit/dit, et doit être extrêmement connecté à cela et à ce qui raisonne en lui en même temps. Cela provoque une grande proximité, ouverture, et un vrai shift au sens expérience du terme et pas intellectuel. Dans la vraie vie : avec des gens très proches mille fois oui mais ils ne sont pas légion, car c’est profond et ça peut parfois être trop bougeant ou paraître un peu ésotérique à certains. Donc très limité au quotidien.


Dans l’échange d’otage, on livre une histoire, une expérience personnelle vécue (donc on sort de la neutralité), sans la décréter vérité unique (on n’est expert que de sa propre histoire, on sort du jugement sur celle de l’autre). On n’est pas dans l’expérientiel mais on est dans l’authenticité et l’incarnation. On est dans la confiance puisqu’on “libère l’otage” (une part de soi) avant l’autre, sans forcer l’autre à s’ouvrir. On laisse du coup la possibilité d’exprimer un vécu qui raisonne mais qui n’est pas identique. On part du personnel pour toucher à l’universel et revenir au personnel. Et c’est très humble, très petit, et beaucoup moins intrusif que des questions.


C’est comme ça que j’ai découvert que parler de soi n’était pas que synonyme d’égocentrisme. Et que l’on peut questionner et écouter sans générosité. Et que l’on peut faire du profond avec du petit.
J’en profite donc pour te remercier pour nos échanges d’otages car nous soufflons avec ce bonbon nos 25 premières bougies !


Bises.
F/.

Aimer ses enfants et ne pas aimer être mère

Salut F/!


J’espère que tu continues à profiter de tes vacances et que votre route vers le sud se passe bien!


J’ai longtemps hésité à écrire ce bonbon – peur que mes enfants tombent dessus un jour, peur du regard des autres, peur que mon mari, avec qui le sujet est délicat à aborder, le lise et qu’une fois encore cela envenime nos échanges. Et pourtant, je me lance aujourd’hui, avec l’espoir que l’écriture ait, comme si souvent, l’effet cathartique dont j’ai besoin sur ce sujet si délicat qu’est pour moi la maternité!


Je te l’écrivais dans un post précédent, je trouve qu’il y a encore un énorme tabou autour de ces sujets. Alors oui, les langues se délient sur le côté parfois “fatigant”, voire “usant” de la parentalité. On en rit avec les autres parents, et on s’envie mutuellement quand les enfants partent en vacances chez les grands-parents et que, ouf, on va enfin avoir une semaine tranquilles à deux (alors qu’on travaille de 9h à 18h, mais les soirées, c’est toujours ça de pris). En revanche, on assume beaucoup moins de poser la question cruciale : “mais est-ce que parfois, tu regrettes d’avoir eu des enfants” ?


Globalement, je ne dirais pas que je regrette d’avoir eu mes enfants (enfin parfois, si, mais heureusement c’est ponctuel). Si je n’en avais pas eu, j’aurais passé ma vie à me dire que je passais à côté d’une expérience pour moi incontournable de la vie, et j’aurais certainement été malheureuse de ça. Et pour autant, je suis incapable d’affirmer que j’aurais été moins heureuse sans mes enfants. Je souffre de l’absence de liberté que me procure ma situation de maman, les journées qui s’enchaînent sur le même rythme, le sentiment de “voler” quelques jours entre copines quand je pars sans eux, la fatigue psychique et mentale qu’ils provoquent chez moi. Du fait que l’imprévu ne soit quasiment plus possible, et pendant encore quelques années. Que “glander”, qui pourtant n’a jamais été mon activité favorite, ne puisse plus faire partie de mon vocabulaire. Que le lundi matin soit parfois le bienvenu, parce que cela veut dire que le week-end est (enfin) fini.
Mais je crois que ce qui me pose problème par-dessus tout, c’est que ma vie de maman, et le temps consacré à mes enfants, empiète très, trop, largement sur ma vie amoureuse. Mon mari, je l’ai choisi parce que c’était la personne avec laquelle j’aimais et je voulais passer le plus clair de mon temps. Plus de 7 ans après, c’est toujours vrai. Mes enfants, j’ai choisi de les avoir mais je ne les ai pas choisis, eux. Je suis heureuse qu’ils soient arrivés, mais frustrée aussi qu’ils phagocytent à ce point ma vie de couple. Que les discussions à deux soient difficiles, voire impossibles selon les situations. Que la vie intime soit planifiée, calculée. Que les projets à deux, tellement faciles à mettre en oeuvre avant, soient maintenant beaucoup plus durs à réaliser. Et pour autant, ne me comprends pas mal, du temps à deux, on en a. Mais tellement moins qu’avant, et tellement moins que j’aimerais en avoir.

Alors, profite de tes vacances pour moi. Savoure le temps à deux, et envoie-moi un peu du bien-être qu’il génère chez toi.


Je t’embrasse!

V/

Une journée, deux histoires…la vie !

Histoire(s) vraie(s) tirée(s) de faits réels

Chère V/,
Dure journée… Ce matin levée aux aurores pour prendre le train. Un premier message m’informe que je n’aurai finalement pas de place assise dans le train suite à la grève. Premier retard annoncé une fois sur le quai de 5 min, puis 10 min puis… suppression du train. En surbooking dans le TGV suivant, problème de de caténaire, immobilisés sur la voie durant 1h30. Arrivés avec 2h de retard à Paris.
Couru jusqu’au RDV médical n°1, couru jusqu’au RDV médical n°2, porte close, grève des labos. Du deuxième labo aussi. Impossible d’annuler car pré-requis à l’opération de vendredi.
Obligée de poser ma journée, il est déjà 13h et je suis loin d’avoir fini ma mission. J’ai déjà du retard dans ma production et mes réponses mail, et je devais assister à une présentation, ça ne fait pas pro du tout.
3è laboratoire indiqué par l’assistante de mon chirurgien enfin ouvert ! Mais le coursier est déjà passé, les résultats n’arriveront pas à temps au chirurgien si je ne me charge pas moi même de la transmission cet après-midi. Chaud.
Retour maison, vieux téléphone en rade de batterie, puis bloqué, code puk indiqué sur la carte SIM faux. Plus de téléphone…du tout!! Et déjà dans une heure je dois repartir pour aller au commissariat signer la déposition de vol enregistrée la semaine dernière. Il y a des jours comme ça ou on pourrait penser que c’est lourd.

Bises.

F/. en galère, qui va se coucher tôt

Chère V/,
Journée épique, mais j’ai vraiment beaucoup de chance !
Ce matin le retard puis l’annulation de notre TGV nous a permis de partager café et gâteaux tranquillement avec mon mari.
Malgré 2 heures de retard sur le TGV suivant emprunté en mode pirate (mais assise tout du long par bonheur), je suis arrivée pile poil pour courir au rendez-vous médical prévu ce matin à Paris et je l’ai eu ! Verdict de l’examen très positif, de la part d’un radiologue très sympathique.
Pour les analyses (que j’aurais du faire quand j’étais dans le train!), après m’être heurtée à la grève des labos, j’ai finalement atterrit un peu à cours de solutions chez l’assistante de mon chirurgien qui m’a miraculeusement trouvé un labo ouvert et a répondu à toutes mes questions. Une crème. Il ne pleuvait pas pour la première fois depuis des semaines : quelle chance !!
Avec tout ça, j’ai du poser ma journée, et au bureau je n’ai eu que des réactions compréhensives, non intrusives, pas de pression.
De retour à la maison, j’ai tout de même réussi à bloquer mon téléphone (le seul qu’il me reste!), ce qui m’a valu une petite crise de nerfs (ben oui, ça s’accumulait). Après m’avoir organisé une petite séance de boxe pour me défouler et m’avoir servi un petit verre de vodka pour me calmer, mon mari m’a fait pleuvoir sur la tête (littéralement) une nuée de Kinder shoko-bons que je déguste en t’écrivant. Énergie !!!
D’ici une heure je serai au commissariat, si tout va bien le dossier d’assurance sera complet et me permettra de recevoir gratuitement un nouveau téléphone qui coûte la moitié d’un SMIC. Alors, on est bien là, non? J’ai vraiment beaucoup de chance.

Bises !

F/. Happy ! qui va quand même se coucher tôt

Chaos au paradis

Salut V/ !

Eh bien tu me manques dis-donc ! Privée de téléphone par suite d’un joli vol à la tire (figure parfaitement exécutée…) dans le métro, mes pas Parisiens ne sont plus accompagnés de nos podcast Whatsapp.

Drôle de période ici…

J’ai plaisanté au sujet de l’équinoxe récemment pour expliquer le côté chaotique de certaines journées, mais les chaos s’enchaînent et me voici un peu nauséeuse. Tu sais, ce genre de période où tu vois la vague, et derrière tu t’en prends une autre, et parfois en travers de surcroît ? Grosso modo, tu n’as pas vraiment le temps de descendre dans la cabine et tu sais très bien que le bordel s’accumule en bas mais il faut tenir la barre. Alors j’attends d’arriver à terre pour pouvoir ranger le souk. Et je me concentre sur l’essentiel pour passer le grain. Je me suis donc demandé ce qu’était l’essentiel, pour le noter tu vois. Et le garder dans la pochette imperméable à portée de main au cas où le mal de mer arrive. Cela m’a rappelé un truc de François Delivré (premier livre lu sur le métier de coach) qui disait avoir son « kit de survie » toujours avec lui. Une liste des choses essentielles qui l’ancrent et auxquelles il se raccroche dans des moments pareils (je n’ai pas le livre sous la main il faudra donc excuser mon approximation du concept de base). Alors j’ai fait ma liste, et c’est assez marrant de voir ce qui émerge (en tête = se coucher tôt… mais aussi ne pas générer d’échanges ou de discussions en pro-actif avec les gens du boulot, ne lire que des romans…etc).

Et pour autant…

Tout va si bien ! Je fais partie des 1% de la pop la plus riche du monde et je vis avec le(s) gen(s) que j’aime, en bonne santé et à portée de voix ou de train, la vie n’est pas dure ni insécure et c’est objectivement une belle période… Conscience de chaoter au paradis. Alors chaos ou paradis, probablement ni l’un, ni l’autre, ni les deux, ni “ni l’un ni l’autre”, comme disent les Bouddhistes

En tout cas je sais différencier « dur à vivre pour moi » et « vie dure “.

J’espère de ton côté que tu as ton kit de survie, ou en tous cas que tu vois la terre ferme arriver !

Je t’embrasse !

F/.

Sérénité ou tourbillon émotionnel

Salut F/!


Je reprends ma plume, ou plutôt mon clavier, après cette longue pause de fin d’été puis de rentrée… Quel rythme dense depuis quelques semaines! Impossible de souffler, de prendre du temps pour moi, et encore moins assez de recul pour rédiger un bonbon!
Et pourtant, malgré ce rythme effréné, je ne suis pas au bout du rouleau, comme cela a pu être le cas tellement souvent par le passé. J’ai un tempérament fougueux, des accès de colère (souvent intériorisés), un geyser d’émotions qui parfois me dépasse. Je me souviens, il n’y a pas si longtemps encore, d’avoir tenu des propos tels que “je vais m’allonger sur un trottoir et mourir de fatigue” ou “si la vie c’est ca, alors à quoi bon” dans des périodes du même type – des propos très gais, quoi 🙂

Alors, qu’est-ce qui a changé depuis quelques mois? Le changement de ville et de rythme de vie y a fait, c’est sûr. Mais je crois que la différence fondamentale, c’est tout le travail que j’ai mené sur l’exploration de ma singularité – ce pour quoi je suis vraiment faite dans la vie. Loin de moi l’idée de dire que ce travail est abouti, mais il est maintenant assez avancé pour me servir de guide, de phare dans mes décisions. Il explique souvent ma frustration (quand je me sens bridée dans l’expression de cette singularité, ou “à côté de la plaque”), mes sentiments de plénitude quand je peux l’exprimer pleinement, et me fait toucher de plus en plus souvent cet état de “flow” dont parlent certains.

Certes, je ne connais plus la force ou la fougue des émotions de la même manière, et l’on pourrait dire que d’une certaine manière, elles se sont tempérées. Et pour autant, j’y ai largement gagné en sérénité, et en clairvoyance sur ce qui me fait vraiment du bien. Une sacrée corde à mon arc pour la suite!


Je t’envoie de grosses bises depuis le TGV qui me ramène vers l’ouest, et te dis à très vite,
V/

S’arrêter et savourer

Salut F/,


Je te sais sur les routes au bord de la Loire, pédalant vers l’océan. J’espère que tu profites à fond de ce voyage, tant attendu et mérité, et que vous faites de belles découvertes en chemin!


Pour ma part, je fais un bref arrêt chez moi entre deux sessions de vacances, et ça va bien. Ca va même merveilleusement bien. Si bien que j’avais envie de partager ça avec toi. Je vis un moment où tout est à sa juste place, où je suis dans le bon rythme, entourée des bonnes personnes, dans un équilibre presque parfait. Et je trouve ça incroyable de vivre cet état-là, de le rencontrer de plus en plus souvent, de goûter à cette plénitude qui donne envie d’exploser de joie tellement c’est bon!
Tu me confiais un jour dans un message vocal que tout ce travail que tu avais fait sur toi ces dernières années, il t’aidait à identifier les moments où tu n’étais pas mal, et à les goûter avec plaisir. Et que c’était déjà tellement énorme que tout ce travail en valait la peine. Pour ma part, je me rends compte que tout ce travail me permet de sublimer les moments où ça va bien. De mettre en lumière qu’il y en a plein, des moments comme ça, et que toutes ces années, je les ai considérés comme acquis, sans même vraiment m’en rendre compte. Qu’aller bien, c’était normal, et que donc ça n’avait pas tant de valeur que ça.

Alors voilà, aujourd’hui je prends la décision de régulièrement m’arrêter, et de les savourer, ces moments. De me laisser emplir de cette joie profonde d’être là où je suis, comme je suis, en pleine possession de mes moyens, et si bien entourée. Ca fait un bien fou.


Je t’embrasse fort et espère manger une glace sur la plage avec toi demain! V/

Le bon côté des gens

Salut F/,

Après un long silence, qui s’explique principalement par des journées de vacances en famille bien remplies, je t’écris depuis mon vol vers Bruxelles pour partager avec toi des réflexions et questionnements assez intimes, qui m’occupent l’esprit ces dernières semaines.

Depuis quelques jours, je m’étonne de constater que de plus en plus, je vois les qualités des gens qui me sont proches ou que je côtoie régulièrement (et avec une encore plus grande surprise, celles de mes beaux-parents !). Pas que jusque-là, je ne voyais que leurs défauts, c’est bien plus subtil que ça, mais disons que je ne pouvais m’empêcher de noter des choses qui me plaisaient moins, de porter un jugement négatif sur certains traits de personnalité. Et puis voilà que je me surprends à voir de manière évidente et magistrale les qualités de chacun, ce qui fait sa valeur profonde, qui le rend « aimable ». Tu me connais, je me suis donc vite posé ma question préférée : « mais pourquoi ? ». Je crois que le processus a clairement commencé lorsque j’ai ouvert la réflexion autour du concept de vulnérabilité. Assez vite, j’ai réalisé que pour développer des relations profondes et authentiques (sujet central chez moi depuis toujours), il était illusoire de se contenter de montrer son côté fort, lisse, social – ce que Jung appelle, je crois, la persona. Quel changement de paradigme pour moi qui l’avais si bien travaillée, cette persona !

Creusant encore un peu plus loin, j’ai commencé à lire des textes sur nos ombres, et en particulier le livre de Jean Monbourquette, « Apprivoiser son ombre ».

Sa lecture m’a fait réaliser que, plus que de montrer son moi « parfait » et conforme, ce sont nos imperfections, nos petites faiblesses, nos questionnements qui créent du lien véritable, et qui donnent cette belle saveur à la vie.

Ca n’a peut-être l’air de rien comme ça, ce petit paragraphe qui a un certain goût de « déjà vu / déjà lu ». Mais je crois bien que ces dernières semaines viennent de me faire faire un bon énorme vers plus d’humilité et de connexion aux autres.

Je t’envoie de grosses bises presque belges, et te dis à très vite !

V/

Sur un chemin de rando

Salut F/,

Je n’avais pas forcément prévu d’écrire un bonbon en cette fin de semaine, et puis il y a eu cette première journée de rando en solitaire… la première de ma vie!

Toute la semaine, j’ai été habitée par cette petite appréhension, celle de partir à l’aventure, quand on se sait pas où on va, qu’on ne sait pas comment ca va se passer, quand on se demande aussi un peu pourquoi “on s’inflige ça”! Heureusement que je suis une battante un peu têtue, sinon je pense que le projet serait tombé à l’eau – je ne suis quand même pas en Alsace si souvent, alors autant profiter d’être chez moi, en Terre connue, non? Et puis le plaisir est arrivé, comme il arrive toujours dans ces cas: en laçant mes chaussures de rando, en préparant mon sac et en y glissant le topoguide, en commençant à repérer l’itinéraire, en découvrant la première balise de GR.

Il y a d’abord eu la phase où le corps se met en route, où les sensations physiques prennent le dessus, le souffle un peu court dans la première montée, les bretelles du sac à dos un peu humides par la sueur. A suivi la phase de réflexion profonde, les pensées se succédant, nombreuses, sur les sujets d’interrogation du moment.

Et puis est arrivée la phase pour laquelle j’aime tant la rando : le lâcher prise, l’esprit qui s’évade, une sorte d’état méditatif qui capte les sons et les odeurs autour de soi. Je me mets alors à chantonner, je trouve mon rythme, je suis bien.

C’est alors que la “vraie” rando commence, que j’ai envie d’aller au bout du monde et de ne jamais m’arrêter. 

Il y a encore quelques semaines, je pleurais dans les bras de mon homme en lui disant que je n’en pouvais plus de me poser autant de questions, de “travailler sur moi”, d’avoir le sentiment que ce ne sera jamais fini. Et aujourd’hui, j’ai compris pourquoi je faisais tout ça : le plaisir de se connaître assez pour savoir ce dont on a besoin, ce qui nous remplit et nous équilibre, à un moment bien précis de sa vie, ça n’a vraiment pas de prix.

Grosses bises vosgiennes!

V/.

Marre du “waouh”

Salut F/,

Coup de gueule du mercredi matin… Je commence la journée en compagnie de mon émotion “lame de fond” comme tu l’appelles, la colère!
Depuis plusieurs années, je constate chez certaines grandes entreprises pour lesquelles je travaille une course à “l’effet waouh”, dans le choix des activités proposées aux collaborateurs en séminaire (il faut toujours faire mieux, plus grand, plus impressionnant que l’année d’avant), les intervenants externes qui viennent parler de leur expérience (“oui, il est multiple champion de France dans sa discipline mais bon, en tant qu’orateur, il est un peu faible”), les modalités d’animation (“les post-its, on n’en peut plus, vous ne pourriez pas nous trouver quelque chose de plus divertissant?”). Ça m’énerve !!! Le consultant, devenu animateur-waouh lui aussi, doit créer des expériences de plus en plus fortes, de plus en plus dingues, dans une course effrénée, mais vers quoi au juste?

Pour moi, le fond est tellement plus important que la forme (je ne dis pas que la forme ne compte pas, elle apporte parfois énormément au fond, dans la mise en relief, l’expérience émotionnelle, la création de décalages) que je crois que je ne comprends pas bien cette obsession du “waouh”.

Pour moi, ce qui est waouh, c’est d’être capable de dire la vérité, avec humilité, de parler de ce qui est et de ses limites en respectant l’autre, de regarder les choses telles qu’elles sont pour agir ensuite, d’oser faire des petites choses différemment, et de prendre du recul sur soi, de faire une concession parfois difficile face à l’autre pour le bien du collectif.

De parler vrai, de sortir de sa zone de confort en testant des modes relationnels un peu différents, plus engageants.

En t’écrivant, je me rends compte que c’est ça que j’aime dans mon métier : aider chacun à développer des relations profondes et authentiques, avec soi-même et les autres, pour faciliter le vivre ensemble, qui à mon sens va être tellement clé dans les années à venir avec les changements énormes qui s’annoncent (je lisais encore ce matin un article sur l’extinction massive des espèces qui m’a donné envie de pleurer, mais c’est un autre sujet). Ça me donne envie de m’engager, toujours et encore, de ne pas lâcher ce “combat” qui est le mien.
Ouf, je me sens mieux. Vive l’écriture et sa vertu de catharsis!

Bises et bonne journée,

V/.