Histoire de famille

Salut F/!

Et voilà, reprise des bonbons… et avec beaucoup d’énergie me concernant!

Et pour changer, je vais t’écrire sur un thème qui me tient à coeur, et qui a déjà été récurrent dans nos échanges… La famille!

Je viens de passer 24 heures avec mes beaux-parents, et même si nos relations se sont bien améliorées, il faut dire que ce sont toujours des moments douloureux pour moi… Trop de différences, dans la manière de penser, de vivre, de se comporter, de vivre une relation. Comme à chaque fois, je suis mise en difficulté, tiraillée entre mon incapacité à vivre paisiblement la situation, et la conscience que la manière dont je me rencontre est loin de ce que je prône en termes de valeurs, qu’il s’agisse du cadre personnel ou professionnel. Forcément, ça perturbe.

Et puis cette fois, alors que je me promenais avec eux au bord d’une rivière, j’ai commencé à me demander pourquoi la société nous imposait comme cela de faire des efforts, avec la famille nucléaire et la famille “rapportée”. Pourquoi est-ce si mal vu que de ne pas faire d’efforts avec ces personnes que, finalement, on n’a pas choisies? Pourquoi montre-t-on tellement du doigts untel qui est fâché avec sa soeur, ou unetelle qui ne parle plus à ses parents? Comme si ca devait être honteux de ne pas justement faire “l’effort qu’il faut” pour que ca se passe bien?

Couper des liens pensants, ca peut pourtant être libérateur aussi… alors, jusqu’où aller? Je sais que ces réflexions résonneront chez toi.

Grosses bises et bon dimanche,

V/.

Tristesse

Salut F/,

Depuis ce matin, je suis triste. Profondément triste. Une de ces tristesses que tu emmènes partout avec toi. Une tristesse à laquelle je ne suis pas habituée, moi qui suis bien plus familière de la joie et de la colère. Je ne savais pas avec qui la partager, que faire de cette tristesse. Et puis je suis tombée sur le livre “365 jours pour retrouver son âme d’enfant” de Christie Vanbremeeersch, et j’ai pensé à toi, à ces bonbons, comme lieu de dépôt des émotions.


Je suis triste car ce matin, mon mari est allé faire un tournage pour une nouvelle appli de rencontres. Un tournage bénévole, pour faire plaisir à une copine, un dimanche matin. Encore un tournage où il doit faire semblant de tomber amoureux d’une femme, puis l’embrasser, pour “la beauté de l’art”. Je dis “encore”, car cela fait plusieurs fois, en 10 ans, que cela arrive. Il y a eu le court métrage – nous nous connaissions depuis quelques semaines – où il embrassait à pleine bouche la comédienne dans la scène finale. La pièce de théâtre où il était fou amoureux d’une autre et où toutes ses scènes tournaient autour de la séduction de cette femme. Et d’autres encore. Et à chaque fois, ça me tord le bide.


Je crois que ce qui me tord encore plus le ventre que la scène elle-même, c’est l’incompréhension dont il fait preuve quand je lui fais part de mon sentiment de tristesse. Il se braque, se ferme, me trouve ridicule… La communication est impossible, je me sens comme la petite chieuse qui fait son caprice, qui empêche son mari de se rapprocher un peu plus de son rêve de devenir comédien. Je ne comprends pas qu’on puisse nier un sentiment aussi fort chez son partenaire de vie. Qu’on ait aussi peu envie de le comprendre.


Alors je vais utiliser les ficelles habituelles. Dormir, faire du sport, voir les gens qui me font du bien. Mais malgré tout, je ne sais pas quoi faire de cette tristesse, et je sais qu’elle reste là, tapie, jusqu’à la prochaine fois.


Merci en tout cas de la recevoir dans ce bonbon. Je ne sais pas si c’est réconfortant, mais déjà, ça fait du bien.


Bises et bon week-end,

V/.

Vous n’aurez pas ma peur

Salut F/!


Comment vas-tu, en cette première semaine de déconfinement? Comme tu me le disais récemment, cela n’a peut-être pas changé grand chose pour vous… Ici non plus, du fait de l’absence de reprise d’école, le changement n’est pas net… Même si la réouverture de certains magasins, dont ma librairie chérie, m’a mis le coeur en joie ce matin!


Ce week-end, alors que nous faisions un dernier tour de quartier munis de nos fameuses attestations, nous sommes passés devant la maison d’une de mes amies qui venait d’avoir un bébé au moment où le coronavirus a commencé à frapper la France. Je lui ai passé un coup de fil, lui proposant de nous dire bonjour à la fenêtre. Nous retrouvant avec plaisir, elle nous a proposé d’entrer, ce que nous avons fait sans nous poser de questions. Cela nous faisait plaisir à nous aussi de retrouver un semblant de vie sociale, et les enfants étaient ravis de mettre les pieds dans un logement différent de notre appartement!


Au bout de quelques minutes, par contre, je ressens un énorme malaise. Il me saute au yeux que son ami n’est lui pas ravi du tout de nous voir ici. Il tient ses distances, ne décroche pas un mot, et regarde nos enfants (qui, comme toujours, il faut bien l’avouer, ont vite pris possession des lieux) avec un regard désapprobateur. Tout, de son langage non verbal, nous disait de partir, ce que, gênés, nous avons fait au bout de quelques minutes.


Ma première réaction a été de juger son attitude, la trouvant un peu ridicule, à quelques heures de la fin du confinement. Après réflexion, je crois aussi (et c’est intéressant d’une certaine manière) que j’ai été un peu choquée, pour la première fois de ma vie, de m’être sentie sale, dangereuse. En tant que franco-allemande, j’ai souvent fait l’expérience de la différence, d’être vue comme une “autre”. Mais jamais je n’avais expérimenté ce que certaines personnes racisées racontent, comme l’avaient fait les employés de Roissy qui me racontaient leurs de histoires de clients qui ne voulaient pas qu’ils les touchent en rendant la monnaie, ou qu’ils touchent leurs enfants. Ou les personnes d’origine asiatique, qui souffrent de ce types de comportements depuis l’arrivée du virus en Europe. Franchement, c’est dur, violent, humiliant.


Finalement, je crois que mon sentiment qui perdure, c’est celui de la tristesse. Comment en sommes-nous arrivés là? A boire l’apéro ensemble début mars, et à ne plus supporter de passer quelques minutes ensemble deux mois après? A faire des détours énormes sur les trottoirs pour ne pas se croiser? A coller du scotch par terre dans les écoles et à refuser que les enfants jouent ensemble? C’est ca la vie, à partir de maintenant? Ca n’a pas de sens, et j’irais même jusqu’à dire que je n’en veux pas, de cette vie-là. Le contact humain, y compris physique, est ce qui rend nos vies intéressantes, vibrantes. Je ne veux pas qu’on me vole du temps de vie là-dessus.


Je t’embrasse, et espère te revoir, en vrai et de près, bientôt,

V/.

Personne ne sait

Salut F/,


Alors, comment se passent ces premiers jours de quarantaine au moulin? Vous trouvez un rythme qui vous convient ? De notre côté, équilibre pas évident à trouver, mais nous voyons cette période comme une expérience! Heureusement, les temps de sieste et les soirées sont là pour passer un peu de temps de qualité à deux ou chacun pour soi, ce qui me permet de réfléchir à ce qui se passe et à la manière dont je vis cette période.


Je crois que depuis toujours, j’ai pensé que quelqu’un avait des réponses à mes questions. Peut-être mes parents enseignants, mon grand-père ultra curieux, qui avaient toujours des réponses à me proposer. Mais aussi, je crois, une idée largement répandue en France que quelque part, et surtout dans les hautes sphères, des personnes responsables et érudites savent.

La première désillusion est venue lors de mon premier stage en école de commerce. J’avais appris le monde de l’entreprise comme un monde organisé, bien pensé et exécuté, et je découvrais un immense bordel. Entre les cours de comptabilité, de droit, de systèmes d’information, personne ne nous avait parlé des difficultés interpersonnelles si difficiles à régler, des décisions si difficiles à prendre quand on ne peut pas prévoir ce qui se passera dans les mois à venir.

Il y a ensuite eu la découverte du monde des élus, puis des comités de direction, où j’ai compris une fois de plus que oui, même s’il y a des gens brillants, avec une grosse capacité de travail et d’engagement, nous sommes tous humains, et tout n’est pas maîtrisable, loin de là. Il y a tant de situations où on ne sait pas.

Le coronavirus met une fois encore brillamment en lumière ce point. Personne ne sait comment les choses vont évoluer, pourquoi elles évoluent comme elles évoluent, quel sera l’impact sur notre économie, sur les relations humaines, sur la manière dont les gens vont réagir à ces semaines de confinement, ni comment ils réagiront à la sortie. C’est à la fois angoissant, de se dire que personne ne sait, et terriblement rassurant à la fois. En tout cas, moi, ca me donne envie d’affirmer ce que je pense, et d’écouter ce que pensent les autres, sans prendre cet avis pour acquis et “boire leurs paroles”, comme cela a été tellement de fois le cas par le passé.


Peut-être, je l’espère, que cet épisode du coronavirus donnera envie à chacun de s’engager pour ce qui compte pour lui, qu’on se rendra tous compte que nous sommes responsables de construire la vie et le monde dont nous avons envie. Je finis justement le livre de Michelle Obama, qui vient parfaitement corroborer ce propos.


Je te souhaite de belles journées de confinement, riches et sereines!

V/

La vie que tu as choisie

Salut F/,


Comment vas-tu en cette drôle de période ? On le savait, on l’anticipait, que la France prenait le même chemin que l’Italie, mais les annonces d’hier soir et la fermeture des écoles rendent la chose tout à coup beaucoup plus réelle…
Dans ce tumulte intérieur et extérieur (bien que les Nantais ne semblent pas spécialement inquiets ni fébriles, même aujourd’hui), je suis tombée ce matin par le biais d’une de nos amies communes sur un article écrit par un romancière italienne, Cristina Comencini, qui adresse une lettre aux Français. Elle y raconte la situation en Italie, le confinement, la queue aux supermarchés… Et surtout, elle y partage une idée que j’ai trouvée très intéressante : que le confinement mettait chacun, de manière plus ou moins brutale, face à sa vie et à ses choix :

“Est arrivé le moment de la vérité, pour les couples qui ne se supportent pas, pour ceux qui disent s’aimer, ceux qui vivent ensemble depuis une vie entière, ceux qui s’aiment depuis peu de temps, ceux qui ont choisi de vivre seuls par goût de la liberté ou parce qu’ils n’avaient pas d’autre choix, pour les enfants qui n’ont plus école, pour les jeunes qui se désirent mais ne peuvent pas se rencontrer… Nous sommes tous appelés à nous inventer une nouvelle vie, à nous sentir proches même si nous sommes éloignés, à régler nos comptes avec un sentiment que nous évitons à tout prix : l’ennui. Et la lenteur aussi, le silence, les heures vides – ou pleines des cris des enfants enfermés à la maison. Nous avons en face de nous la vie que nous nous sommes choisie, ou que le sort nous a donnée, notre «foyer» – non celui de la maladie mais celui que nous avons construit au cours des années. Je nommerais cela une épreuve de vérité.”

La décision de confinement général n’ayant pas été prise, je ne suis pas encore en mesure de tirer mes propres conclusions. Mais j’ai trouvé amusante l’idée d’anticiper et de me poser la question : comment vivrais-je cette situation? et quels en seraient les principaux enseignements? En serais-je à regretter d’avoir pris la décision d’entreprendre, alors que j’aurais été certainement plus protégée en tant que salariée, au moins à court terme? Serais-je en mesure de supporter ces semaines enfermée chez moi avec mes enfants (et heureusement, notre résidence dispose de vastes espaces verts!)? Aurions-nous des sujets de conversation variés avec mon mari, ou tournerions-nous en boucle après quelques jours ? Comment vivrais-je la privation de liberté?

Le coronavirus nous amènera donc à des questionnements philosophiques, certainement. Je me demande d’ailleurs si tu as décidé de vivre cette période à Paris ou plutôt au Moulin?
Grosses bises, et à très vite, au moins par mail ou téléphone,

V/

Vide abyssal

Bonjour F/,


J’espère que tu vas bien malgré ce temps de giboulées et ton humeur noire que tu partageais avec moi hier.


Ce week-end, mon mari jouait pour la première fois son seul en scène. Le résultat de 10 ans de travail, de cours de théâtre, de revirements, de doutes, de moments d’euphories, de “je laisse tout tomber”. Alors ces dernières semaines, j’ai vibré avec lui. J’ai été fière. J’ai été impatiente qu’après toutes ces années, il puisse enfin réaliser son rêve. Et le jour J est arrivé. Les amis étaient là pour le soutenir. Les représentations se sont très bien passées. Le public a ri, vibré, ressenti des émotions. Et moi, j’étais mal.


Mal au point, le dimanche matin, de ne plus pouvoir respirer, parler, interagir avec les autres. Torrents de larmes qui ne s’arrêtaient plus. Alors d’abord, j’ai eu mauvaise conscience : quelle personne suis-je pour ne pas pouvoir me réjouir sincèrement et pleinement de ce qui arrive à mon mari? Dans un moment aussi important d’une vie en plus? J’en étais incapable. Coup de projecteur sur ma propre incapacité à rêver, à oser faire ce qui me tient vraiment à cœur, à m’exposer entièrement au regard des autres. Depuis, toute petite, je me retrouve face à la question abyssale : que serait ma vie si je décidais de la vivre pleinement ? Si je profitais entièrement de ce qui m’est offert? Si je décidais d’écouter mon instinct, coûte que coûte, et de vivre en accord avec ça, qu’est-ce que ça changerait ?


Pas étonnant que ça remue. Que ça questionne sur les choix que j’ai faits jusqu’à présent. J’ai toujours prétendu ne jamais regretter mes choix. Peut-être me suis-je menti à moi-même. Ou peut-être le moment est-il venu de les regarder droit dans les yeux, ces choix? Ça va être long, je sais. Comme tu me l’as si justement dit, au lieu de remplir ma gourde, il va falloir que j’apprenne à construire mon robinet. Mais c’est super enthousiasmant aussi, d’apprendre à construire un robinet, surtout quand on ne l’a jamais fait. Et en plus, je suis entourée d’amis formidables pour m’accompagner sur le chemin, dont toi, sur qui je sais pouvoir compter contre vents et marées.


Grosses bises, et merci, tellement, d’être là pour moi.

V/

La prochaine expérience de vie

Bonjour F/,


J’espère que tu vas bien, et que ton week-end au moulin te recharge comme ce lieu sait si bien le faire.


De mon côté, période douloureuse et pleine de questionnements. Un membre de ma famille, proche, est en fin de vie. Forcément, le chagrin est là, de perdre quelqu’un d’important, sa présence, ce qu’il m’a apporté et m’apporte encore. Mais cela génère aussi beaucoup de réflexions plus larges, comme si souvent dans ces moments-clés de la vie : quel est le sens de cette vie, justement ? A quoi chacun de nous contribue-t-il ? Certes, la vie reprend toujours le dessus, mais qu’est-ce qui sera différent sans l’un ou l’autre de nous, et pour qui?
Plus j’y réfléchis, plus je me dis que la question « que veux-tu faire dans la vie? », qui a tant rythmé mes propres réflexions depuis le collège, n’a vraiment pas beaucoup de sens. Ce but unique est une chimère, incompatible avec le cours de la vie, ses rebondissements, ses aléas, l’incertitude actuelle sur l’avenir de notre planète, mais aussi la découverte progressive de soi qui fait justement que ce but peut évoluer à tout moment.
Alors, je préfère maintenant me poser la question suivante : « quelle est ton expérience de vie suivante ? En partant de ce que tu es là, avec ton niveau de conscience du moment, ton état d’esprit, tes possibilités matérielles, qu’est ce qui te fait envie, quelle est l’etape qui te fait progresser? ». Tout à coup, tout devient plus simple, plus abordable, plus fluide. La vie n’a plus un but en soi, mais devient une succession d’expériences visant à t’apprendre des choses sur toi et les autres. é


Je te souhaite un beau dimanche,

Bises

V/

Te considérer comme un objet précieux te rendra plus forte

Salut F/!


Quel bonheur que ce retour du soleil! Après toutes ces semaines de gris ou de pluie, tout le monde revit. On est partis en bord de mer profiter de la lumière et de la nature, quelle chance nous avons d’habiter ici…
Il y a quelques semaines, en lisant Libérez votre créativité, j’étais tombée sur un exercice ou l’auteure proposait d’écrire une phrase sur un papier et de l’accrocher à un endroit visible, pour la relire régulièrement: « Te considérer comme un objet précieux te rendra plus forte. » Je n’en avais pas bien compris l’intérêt.


Ce midi, j’avais imaginé que nous irions déjeuner dans une crêperie, un peu à l’écart sur le sentier côtier, avec une vue splendide sur l’océan. « Trop cher » a décrété mon mari. Après notre balade, nous sommes donc arrivés dans Pornic, bondée en cette journée ensoleillée. Toutes les crêperies et brasseries étant complètes, nous avons fini par déjeuner en terrasse d’une boulangerie, en bord de route, à avaler rapidement des sandwichs trop pleins de mayonnaise.


Le sujet n’est pas de se payer des bons restos. Le sujet n’est même pas une question de prix. On ne serait bien davantage considérés comme des objets précieux en apportant un bon pique nique que nous aurions mangé sur une nappe apportée pour l’occasion. Et ça s’applique à tous les domaines de la vie: la façon dont je décide de m’habiller, d’utiliser mon temps, les gens que je vois. Cette phrase m’ouvre des champs incroyables. Nos échanges et les whatsapp font bien évidemment partie de cette dimension de vie où je me considère comme un objet précieux !


Profite bien du Moulin ces dernières heures de week-end, je t’embrasse! V/

No man’s land

Salut F/!


Je te sais sur le point de quitter ta famille pour t’en aller pour ta retraite habituelle de fin d’année… Comme je t’envie! Quelle chance et quel luxe c’est de pouvoir se retirer quelques jours de l’agitation après les fêtes de fin d’année – j’aurais exactement besoin de ça, en cette fin 2019.
J’ai toujours aimé Noël. Les bougies, les gâteaux à la cannelle, le marché de Noël, les cadeaux, les bons repas… Retrouver toute la famille et passer ces moments ensemble, dans le froid hivernal. La St Sylvestre est en revanche davantage un mauvais moment à passer : pour moi la couche-tôt, faire la fête à tout prix, s’amuser alors qu’on n’en a qu’à moitié envie, se mettre la pression d’une soirée réussie, cela n’a jamais vraiment été ma tasse de thé.


Et entre les deux… il y a ces journées un peu étranges que j’appelle le no man’s land. Ce temps dans lequel on ne se situe plus très bien (on est le 27 aujourd’hui? ou le 28? et quel jour de la semaine d’ailleurs?), où on se sent lourd et flasque de tous ces repas copieux et trop arrosés. Où on fait aussi un peu, parfois sans véritablement le vouloir, le bilan de son année et où on se projette un peu dans celle qui est à venir. Où cohabitent de vieilles tensions familiales un peu enfouies, la fatigue des uns et des autres qui ne s’exprime pas toujours comme on le voudrait, et où la promiscuité entre personnes qui ne se voient pas si souvent que ca peut parfois produire des résultats (d)étonnants. Entre ceux qui adorent avoir de la compagnie et ceux qui ont besoin de solitude, pas toujours simple de composer. Alors on essaie de faire en sorte que chacun s’y retrouve, ait ses espaces de libertés, et tout le monde sait que ce fragile équilibre ne durera qu’un temps. 


Je passe de belles fêtes. Et pourtant, je crois qu’au fond de moi, j’ai déjà hâte d’être au 6 janvier, et de reprendre une vie “normale”, avec des repères et des rituels rassurants, de passer à l’action et de retrouver mes habitudes. Vivement 2020 que je vois déjà comme riche et passionnante. 


D’ici la nouvelle année, je te fais de grosses bises et te dis à très vite!

V/

Thérapeutes combatifs

Salut F/,

Comment vas-tu en cette fin de semaine bien fraîche ? Tu es peut-être à l’heure qu’il est dans le TGV qui t’emmène au moulin, ou sinon, tu ne dois pas être bien loin de Montparnasse, frétillante d’impatience à l’idée de retrouver ta maison!

Comme tu le sais, je travaille en ce moment pour une association qui oeuvre dans le secteur de la protection de l’enfance. C’est dur, de découvrir ce monde, de ce que notre société fait aux enfants qui n’ont pas de parents, ou des parents qui ne peuvent pas s’occuper d’eux. A chaque entretien, je découvre un peu plus de ce que vivent certains de nos petits concitoyens, les épreuves qu’ils traversent, et les grands chagrins auxquels ils doivent faire face. Mon engagement associatif m’avait emmenée du côté des jeunes atteints de cancer, de chômeurs de longue durée, et les histoires que j’y avais entendues étaient loin d’être toutes gaies. Mais là, on touche à l’enfance, à ces petits êtres si naïfs, très vite plongés dans le bain de la violence des adultes et de la vie, et c’est insupportable. Je ne sais pas qui peut cautionner ca. Notre société déconne à pleins tubes.

J’ai un respect immense pour tous les professionnels qui se lèvent le matin et veulent changer ca. Pour les familles d’accueil, les éducateurs, les psychologues et chefs de service qui, 24h/24 et 7 jours sur 7 s’occupent de jeunes parfois violents, souffrant de handicap, et abîmés par la vie, au simple titre qu’on a tous droit à une vie digne, et le droit d’être aimés. J’ai la chair de poule en t’écrivant ca. Je serais bien incapable de faire ce qu’il font. Et pourtant, malgré la noirceur du monde qui parfois me saute aux yeux, le simple fait que ces personnes existent et s’engagent me donne de l’espoir. Que c’est beau, cette humanité à vif. Je les tiens, mes thérapeutes combattifs. Ils sont là, sous mes yeux, et je n’ai qu’à les regarder pour m’en inspirer, me nourrir de leur force et de leur puissance pour aller mener mon propre combat. Jeudi prochain, j’ai un atelier avec eux, et je vais leur dire tout ca. Parce que les mots, c’est tellement important.


Je te souhaite un bon week-end et te fais de grosses bises,

V/