Il n’y a plus de dimanche soir

Hello V/ !

Je t’écris depuis “Paris au mois d’août“ !
Je ne sais pas si tu as lu le roman éponyme, mais je crois que tout est encore valable dans ce livre qui commence pourtant à dater. Tu me disais que tu avais toujours du mal à imaginer que des gens travaillent à Paris au mois d’août et c’est vrai, c’est un espace temps à part. Cela me fait réaliser que la frontière entre travail/vacances et pro/perso est de plus en plus poreuse pour moi, et au bon sens du terme.

Je me souviens d’une époque où les notions de rentrée étaient très marquées, souvent appréhendées, rarement agréables. Où les dimanches soir étaient synonymes d’une légère angoisse. Où consulter ses mails hors “temps de travail” était tabou sous réserve d’introduction du monde du travail dans la sphère privée

Dans la vie, je trouve que ce qui est rude ce sont les débrayages-embrayages, ces faux passages d’un univers à l’autre ou d’une posture a l’autre. Je dis “faux” car ériger des barrières alors que la vie est un tout et cloisonner les univers alors que tout existe à chaque instant n’a été ni très efficace ni très utile pour moi.

Aujourd’hui les transitions sont plus douces et me coutent moins d’énergie. C’est mon esprit qui change de focus et qui reste “là où il est quand il y est” avec moins de peine et moins de lutte. Je n’ai plus l’impression de travailler quand je traite des sujets de travail pendant mes vacances, ni de chômer quand je parle d’un sujet personnel avec les équipes. J’ai toujours des moments d’envie ou pas envie, ça ça ne change pas ! Mais ça n’est plus un poids.

Je me souviens d’une époque où les notions de rentrée étaient très marquées, souvent appréhendées, rarement agréables. Où les dimanches soir étaient synonymes d’une légère angoisse. Où consulter ses mails hors “temps de travail” était tabou sous réserve d’introduction du monde du travail dans la sphère privée.
Dans la vie, je trouve que ce qui est rude ce sont les débrayages-embrayages, ces faux passages d’un univers à l’autre ou d’une posture a l’autre. Je dis “faux” car ériger des barrières alors que la vie est un tout et cloisonner les univers alors que tout existe à chaque instant n’a été ni très efficace ni très utile pour moi.
Aujourd’hui les transitions sont plus douces et me coutent moins d’énergie. C’est mon esprit qui change de focus et qui reste “là où il est quand il y est” avec moins de peine et moins de lutte. Je n’ai plus l’impression de travailler quand je traite des sujets de travail pendant mes vacances, ni de chômer quand je parle d’un sujet personnel avec les équipes. J’ai toujours des moments d’envie ou pas envie, ça ça ne change pas ! Mais ça n’est plus un poids.

La question est : qu’est ce qui a changé ?

Un courant de fond probablement en premier lieu : la méditation, l’apaisement émotionnel ont fait beaucoup. Prendre les choses comme elles viennent, penser la vie comme un tout et avoir le courage de faire face à la réalité telle qu’elle est sans ambages… Un exercice sans cesse renouvelé.

Ensuite, le résultat de choix conscients sur le long terme : je trouve de l’intérêt et du plaisir à ce que je fais, le travail n’est pas associé systématiquement au labeur. J’ai acquis une confiance dans ma capacité à délivrer et réagir, sans peurs et avec moins d’hésitations. Je me donne plus souvent la liberté de faire quand/comme je veux. Je sais pourquoi je suis là, et je vis plus dans la réalité que dans la théorie des possibles.
De façon plus pragmatique, j’ai sans doute une vie plus équilibrée au global, moins “d’accessoires” nécessaires dans les différents domaines, plus de frugalité, une bonne organisation, une meilleur hygiène de vie…la base, mais ça ne l’était pas pour moi 🙂

Et puis je suis la même, moi-même, dans toutes les sphères. L’année de free-lance a aidé, qui a accéléré le fait que mon travail et ma vie soient beaucoup plus cohérents et imbriqués. Du coup, il se crée un continuum qui fait qu’il n’y a plus de dimanche soir ! C’est un soir comme les autres. Et si ça n’est pas le cas, c’est beaucoup plus facile à supporter car je sais que cela passera et que ça n’est pas une fatalité.

Tu sais, en cherchant bien, il y a surtout une chose : j’ai beaucoup de chance. Les conditions et mon entourage en ce moment sont vraiment très favorables. Je ne maîtrise rien, et cela peut changer. Alors gratitude, humilité et joie!

Et le jour ou le dimanche soir sera à nouveau le bord de la falaise je sais que je pourrai t’appeler 😉

Bises !

F/.

L’été, le moulin, l’amitié

Chère V/,

J’espère que tu profites à ton tour de ta journée de vacances en bonne compagnie ! De mon côté temps idéal, rythme calme, et même pour ce qui pourrait être une “rentrée” après ma semaine de vacances c’est plutôt doux.

J’ai retrouvé mon espace temps comme par magie, fin du programme essorage de la machine à laver, place au séchage au grand air! J’ai les neurones clairs, le corps détendu, le cœur en paix et mes projets m’habitent et cohabitent sans se piétiner.
Pour prolonger et partager, je t’offre un bonbon léger sur la semaine écoulée.

D’abord, il y a la nature. Les grands arbres centenaires qui entourent la maison me tiennent assise sur le rebord de la fenêtre à contempler pendant des heures. La campagne est belle en été, même quand elle est cramée, du jaune des champs moissonnés ou du soleil qui a trop donné! Elle me ramène aux longues journées d’enfance dans la ferme de mes grands-parents. C’est tenace les ancrages, heureusement les bons aussi.
Ensuite, il y a les vieilles pierres, leur fraîcheur sous le cagnat, leur blancheur, leur beauté. Voir du beau dedans dehors juste en levant les yeux, c’est un luxe dont j’aimerais faire mon habitude.
Il y a le calme aussi, total la nuit, presque aussi le jour puisque les oiseaux et les animaux ont fui la chaleur. La paix.
Et puis du temps long, étiré, non morcelé. Un temps devant soi sans rien dedans, qui accueille n’importe quel rythme. Bonheur absolu ! Bonheur souverain ?
Le soleil, la lumière, la chaleur. Enoooorme chaleur. Sans elle je n’aurais pas ralenti mes gestes, posé mon corps, suspendu mes activités aussi totalement. Salvatrice chaleur qui rend le repli et l’inaction incontournables, physiologiquement !
Heureusement, il y a aussi l’eau : la chute du moulin d’abord, qui chante par tous les temps et rafraichit la maison et même l’esprit. La piscine en plein air, où les longueurs de nage quotidienne libèrent de la pesanteur. Et la pluie, enfin, fine et fraîche, après la sécheresse. Dessous, dedans, de l’intérieur, on se saoule à son odeur de terre mouillée.

Et surtout, il y avait mon amie, celle d’un autre continent, celle que je vois peu, celle avec qui j’ai tant partagé depuis mes 18 ans, celle avec qui je vis comme je respire, toujours autant qu’avant.
Et puis il y avait toi aussi ! Ta semaine de typhon interne externe, tes recherches, tes découvertes, et nos échanges ligne de vie. Puisse un peu de cette bonne et puissante énergie parvenir jusqu’à toi et nous porter jusqu’à la fin de l’été, notre prochain moment ensemble!

VIEve les amiEs.

A bientôt.

F/.

Soutenir le vide

Re-bonjour V/ !

Après une période de production de bonbons un peu laborieuse de ma part, je prend de l’avance cette fois ! Merci à toi d’avoir soutenu le rythme ces dernières semaines et d’avoir, avec une main de fer dans un gant de velours, permis que nous continuions nos échanges qui me sont chers autant qu’à toi !

J’ai partagé et diffusé récemment avec toi et deux autres amies proches une phrase. Elle me vient d’une femme qui m’a beaucoup aidée et inspirée, et j’ai envie d’y revenir ici. Dans une période assez difficile pour moi il y a longtemps, elle m’a dit :

“Avant de chercher à l’extérieur comment combler ou remplir, il faut d’abord apprendre à soutenir ce vide”

Itaka

Je n’ai pas compris tout de suite, et puis c’est devenu un sésame pour moi, que je ressasse comme un mantra depuis lors, pour qu’il diffuse à tous vents.

Le vide, c’est celui que l’on ressent quand il y a trop d’espace, trop de possibles. Parce que l’on n’a rien prévu comme activité, qu’il n’y a pas de contraintes et que le temps est ouvert, béant devant nous. On en rêve souvent et finalement quand cela se présente il y a un moment d’hébétude, un réflexe de “je fais quoi maintenant tout de suite ?”.

Un autre vide, c’est celui laissé par l’absence, d’un être cher ou d’un compagnon de route, ou plus simplement de ceux qui partagent habituellement notre vie quotidienne. Ou simplement celui d’un week-end ou d’une soirée sans contacts avec le monde extérieur.

Et puis il y a le vide de sens, que certains ne connaissent pas, que j’ai découvert assez tard pour me souvenir comment c’était avant (avant j’avais un mécanisme dans la tête qui ne s’enrayait jamais, je trouvais que les gens se posaient des questions compliquées, et j’étais bonne en Maths). Je l’appelle maintenant faille ou vide existentiel(le). Il nous rattrape parfois alors même que l’on est dans une soirée entourée de beaucoup de gens, qui ne voient pas le trou à l’intérieur de toi.

Bref, tu vois de quoi je parle puisqu’il t’a visitée récemment, ce vide dans sa version positive du “champ des possibles”.

Soutenir ce vide, ça veut dire résister à la tentation de ne pas le regarder, de l’éviter, de le combler. Au moins un peu. Commencer par ne pas agir (c’est pas instinctif), le ressentir (c’est pas drôle), le contempler (ça peut angoisser, ça peut faire mal) et puis rester avec (c’est assez étrange au début). Et puis là, une détente se crée, une urgence disparait, une angoisse s’apaise. On peut se demander “de quoi on a besoin” et pas “ce qu’on va faire”. Si l’on arrive à faire ça, petit à petit, la peur du vide disparait, on ne tombe pas dans le vide, et le vide aussi finit par se dissoudre. C’est ce qu’on appelle le vide fertile !

(Si, je te jure, le vide ça se dissout. Si si.)

(Non, je ne vais pas te mentir, je n’y arrive pas à chaque fois. Non non.)

Mais ça m’a changé la vie!

Grosses bises!

F/.


Solitude générationnelle

Hello V/ !

Toujours un peu dans la machine à laver, j’ai l’impression que le mois de juin a comme d’habitude fait l’effet d’une fin de programme pour moi : je suis rincée, essorée! Mais l’avantage c’est que je sens que l’ouverture du hublot est proche 🙂 Merci de me procurer un point fixe quand je regarde à travers, c’est un des ancrages précieux qui m’aide à ne pas avoir le mal de mer. Trêve de métaphore ménagère, je viens partager avec toi un drôle de sujet : je suis à la recherche de ma génération.

Ces derniers temps j’ai commencé à penser mes coups “à 3 bandes” : l’étape suivante, puis l’autre, qui mène à dans 10 ans. “Dans 10 ans” c’est une intuition mêlée de quelques images, absolument pas une position précise. Je réfléchis sous l’angle professionnel parce que c’est là qu’est le point d’inflexion aujourd’hui, mais du coup cela tire des sujets plus larges. Pour aider, j’ai rencontré et échangé avec pas mal de monde. En très peu de temps.

J’en suis ressortie avec un sentiment de solitude générationnel.


Je me sens vieille, et jeune, et trop vieille, et trop jeune, et où sont-ils les gens de mon âge ? Age tout court, mais aussi âge mental, physique, professionnel, spirituel… Je parle plutôt de maturité que d’âge en nombre d’années en fait.

J’ai pourtant fini ma 36è année en me disant que c’était une des plus belles de ma vie. Pleine, épanouie, simple, alignée, redistribuante (c’est moche mais ça dit bien ce que ça veut dire!). Un sentiment de justesse et d’harmonie qui se suffit à lui même mais qui circule autour. L’âge en soi n’était pas un sujet, j’ai toujours senti la vie comme des cycles, et à un niveau très personnel j’avais l’impression de “bien habiter mon âge”. Et pourtant en ce moment…

  • Je me retrouve face à beaucoup de personnes plus jeunes, voir beaucoup plus jeunes, qui font et disent la même chose que moi. Qui semblent avoir dépassé des peurs que j’ai toujours. Qui semblent plus à l’aise sur beaucoup de sujets (ok je bosser dans le digital… mais quand même). Suis-je déjà dépassée ?
  • Et en même temps qui manquent d’une forme de quelque chose parfois qui me manque, et que j’ai besoin d’aller chercher chez des “plus vieux”. Suis je gérontocrate ?
  • Je me retrouve face à des gens plus vieux, auprès desquels je cherche nourriture et vision, pistes et intuitions, et que je ne trouve pas. Suis-je trop exigeante ? Trop naïve ?
  • Et en même temps qui ont un statut un poste une expérience qui me semblent bien supérieurs au mien. Suis-je en retard ?

Mais où sont-ils ces gens de mon âge? De mon âge de vie je veux dire. Incroyable mais vrai, dans aucun cercle professionnel actuellement je ne partage cette équivalence d’âge et de vie. Je me sens donc en avance/en retard, puissante/minuscule, humble/prétentieuse, meneuse/suiveuse, en retrait/en avant, fière/honteuse… Tout en même temps !

Je crois qu’en t’écrivant la réponse me vient d’elle-même : il n’y en a pas, ou alors juste pour un temps. Mon rythme est singulier et c’est une chance d’avoir des compagnons de route mais normal de faire des portions seule. Allez ma grande, marche seule et hauts les cœurs !

A toi chère amie 🙂

F/.

Avoir un café du coin

Hello V/,

J’ai du mal à ouvrir un ordinateur hors des longues heures de boulot en ce moment, ce qui décale imperceptiblement nos bonbons du lundi… Et je suis encore dans un train.

Je ne comprends toujours pas ce qu’il se passe quand je me mets à t’écrire, ça n’est jamais ce que j’ai pensé qui vient. Aujourd’hui j’avais envie de partager avec toi quelque chose qui fait du bien, et pas mon humeur du moment. Et ce qui vient, c’est que je te parle encore de mon café du coin !

Un café du coin, c’est presque chez soi mais c’est pas chez soi. C’est un café qui ne demande pas d’effort psychologique (ou physiques !) pour y aller, il est pas loin, ou sur la route, peu importe la tête qu’il a c’est son emplacement en plein milieu de ta vie quotidienne qui le définit et pas “le fooding” ou “le bonbon” (NB : j’avais oublié ce magazine qui a déjà déposé ce nom )

Les tôliers c’est important aussi. Selon ta nature il faut les chaleureux qui accueillent, les blagueurs qui divertissent, les taiseux qui respectent… Certains savent quand faire quoi et là ça peut devenir un vrai café du coin. Je ne sais pas si ces gens là se doutent de la place qu’il tiennent dans ta vie, toi qui ne fait que passer chez eux.

Les autres clients aussi c’est important, ils ne doivent pas te ressembler non. Mais ils doivent te permettre d’être là toute seule en étant bien. Bon, pas forcément la première fois, mais au bout de quelques fois, quand ils se sont habitués à toi, ne te fixent plus, te saluent de loin ou de près, te laissent la place que t’aimes…

Un comptoir ou tu peux t’asseoir, ou les tasses et les bock claquent, et qui est froid sous tes coudes. Un vrai, ou le café est deux fois moins cher qu’à table.

Et le reste c’est du plus, c’est le fait que tu puisses grignoter, te connecter… A l’occasion.

Le café du coin, on peut y aller le matin, parce que la perspective de sortir de chez soi pour voir des visages « habituels » et boire un café au comptoir est plus facile à envisager quand on ouvre l’œil que celle d’aller directement au métro ou au boulot (et le dodo est derrière nous donc…).

Quand « trop travailler rend malheureux », on peut y aller pour faire l’inverse de ce qui nous fait plonger : s’obliger à y passer le matin avant d’aller travailler, et arriver plus tard quand on voudrait arriver plus tôt. Y travailler quelques heures au lieu d’aller au bureau quand on a besoin de s’isoler. Y faire l’école buissonnière après un petit déjeuner ou un déjeuner pour se rendre compte qu’il y toujours du plaisir dans la procrastination !

Le soir, on peut y aller pour rendre le quotidien festif. Une invitation rapide, un verre impromptu, un moment où l’on sort sans avoir vraiment à faire l’effort de sortir. Avant de rentrer chez soi sans effort non plus.

On peut aussi , le soir, en faire un sas de décompression génial : un passage là pour laisser sa journée avant de rentrer. Laisser des humeurs qu’on n’a pas envie d’inviter chez soi. Y aller seule pour mieux retrouver ceux qui attendent à la maison, ou y aller à plusieurs pour mieux rentrer ensemble. On peut y discuter beaucoup, parler de la vie, lire les journaux, regarder un match, se poser là, ne rien faire, attendre, ne pas être seul, ou l’être au milieu d’autres.

Le week-end, c’est pas les mêmes gens c’est pas les mêmes heures. Le temps est plus long, plus étiré, et il y a toujours quelqu’un pour accueillir tes lendemains de soirée.

Et puis tu peux même y laisser tes clés, pour ta famille ou tes amis. Ou bien pour toi quand tu es à la rue parce que tu es parfois trop toi et dans ces cas là y a souci. Ou que Air France a perdu ton sac où elles étaient rangées, aussi…

Le café du coin c’est l’aventure au coin de la rue, c’est ton assurance hébergement, et c’est aussi un des seuls endroit sans engagement ! Pas de compte, pas d’attentes, pas d’habitudes, pas d’abonnement.

Et c’est là que j’aimerais bien te retrouver plus souvent, et surtout en ce moment.

Je t’embrasse.

F/.

Nager dans l’impermanence

Hello V/ !

J’écris dans mon TGV du matin, car je n’ai pas eu un moment seule hier pour écrire. Il faut donc que tu imagines en lisant le paysage qui défile… Mais aussi mon état moyennement cool car cela tangue et je suis malade quand j’utilise mon ordinateur dans le train. Ce sera peut-être, contrairement à l’habitude, un bonbon en deux jets.

Je t’ai laissée Dimanche sur une phrase un peu sibylline qui a éveillé ta curiosité. Au constat « je m’impose des choses (…) il faut que je prenne soin de moi » je t’ai répondu « pense bien à dissocier le soin du plaisir ». So here is the post ! (oh on vient de heurter un troupeau de chevreuils, je suis très triste, je fais des souhaits avant de reprendre)

(…) Bon, ce post finit pas porter très mal son nom initial « Ne pas bouder son plaisir ! » : nous sommes arrêtés pour une durée indéterminée en pleine voie après cet accident meurtrier. Je vais donc plutôt faire un aparté sur l’impermanence, parce qu’elle est à double titre d’actualité : impermanence au sens absolu, de la vie, pour ces pauvres chevreuils, et impermanence des choses au sens très relatif pour moi et mes co-voyageurs qui vivons un moment ou rien ne se passe comme prévu.

L’impermanence c’est l’un des concepts centraux dans le Bouddhisme. En partie parce qu’elle est l’une des principales causes de souffrance humaine. Les choses changent et passent toutes, quoi qu’il arrive, la seule question étant « quand » et pas « si ». Et comme nous humains n’avons pas intégré cette impermanence, nous souffrons régulièrement de l’attachement ou de la saisie que nous faisons des choses et des relations que nous voulons ou souhaitons stables, immuables, sûres. Évidemment l’application ultime est liée à la mort, mais je préfère te parler de la façon donc je l’intègre aujourd’hui dans ma situation.

D’abord, prendre la réalité telle qu’elle est, ni plus, ni moins. Le train a heurté, il s’est arrêté, on ne sera pas à l’heure attendue. Inutile de refuser la réalité où d’essayer de s’accrocher à un miracle. Ni de faire du story telling en commentant 14 fois l’évènement avec moult hypothèses non vérifiées avec les passagers, les réseaux, les textos… Ecrire un message simple pour annuler la première réunion sans en faire des caisses.

Ensuite, lâcher prise. Ne pas faire de nœuds avec le futur et le passé du type « si j’avais pris le train d’avant », « si je n’arrive pas pour telle réunion ils vont penser ça », « si on reste bloqués carrément toute la matinée je fais quoi ? », « il va peut-être falloir que je change mon mode de vie quand même si les trains ne sont pas fiables »… Rester dans le présent et se détendre, rien n’est encore joué inutile de spéculer sur des choses désagréables.

Connecter la compassion, et se relier à ceux qui souffrent de cette situation : je pense aux chevreuils, au chauffeur en train d’inspecter tout ça, et aux personnes dans le train qui mettent une journée peut-être plus importante que moi en péril. Il doit y en avoir des rendez-vous qu’on n’a qu’une fois qui seront manqués aujourd’hui !

Et puis, en profiter pour se connecter à soi et voir ce qu’il se passe, et ce qu’il est possible de faire dans cette nouvelle donne avec les éléments et le contexte à disposition : moi, j’ai le temps de t’écrire sans avoir mal au cœur car ça ne bouge plus. Une dame dit que ça lui apprend comment utiliser le partage de connexion avec son téléphone. Méditer un peu, lire, en venir à prendre cette pause au calme et au chaud comme un agréable moment.

En fait, il faut changer son cadre de référence, ne plus vivre cette journée “par rapport à ce qu’elle aurait du être”. Reboot du cerveau. C’est “être frais d’un jour à l’autre”, voire même d’un instant à l’autre. L’inverse provoquerait stress, ressentiment, énervement, colère, peur, excitation, fatigue… Je sais de quoi je parle j’ai longtemps pratiqué ce versant-là !

Une petite phrase d’un Lama pour te quitter en douceur :

« Ce qui est le plus dur, c’est quand on lutte contre le fleuve de la vie et qu’on ne veut pas accepter les changements. (…) Quand on apprend à nager avec le fleuve, c’est beaucoup mieux, c’est beaucoup plus facile. L’esprit est plus léger et plus joyeux. »

Un peu moins statique que « faire la planche », tout aussi nécessaire ! Je te souhaite une semaine fluide et je t’embrasse.

F/.

Un goût de rien…

V/,

J’enfreins la règle du bonbon hebdomadaire et je t’en envoies un alors que ça n’est pas mon tour. Et que c’est Dimanche. Tu me recadreras si besoin. Mais là, même si tu dois dormir dans ta maison au bord de la mer à l’heure qu’il est, j’ai vraiment besoin de te parler.

Comme à chaque fois que je me ballade sur Linkedin, sur internet et sur YouTube (ce qui m’arrive très, très rarement en fait, contrairement à toi), je sors de là avec une sensation étrange de non-sens et une envie de me retirer du monde, de me cacher et surtout une grande impression que moi « je ne fais rien ».

Je ne suis fondatrice de rien, créatrice de rien, experte de rien, spécialiste de rien.

Oui, maintenant tout le monde a créé quelque chose, fondé une association une boîte, un think tank, une Appli… Et puis aujourd’hui, on n’est plus animateur mais « experience leader », plus consultant mais « change maker » et puis tout le monde est « specialist » ou « strategist » ou « expert »…. Bon, sur ce premier point je mets cela sur le compte de ce biais cognitif scientifiquement prouvé qui fait que « quand tu vas sur un réseau social tu as vraiment l’impression d’avoir une vie sans intérêt et tu as tendance à déprimer plus que d’habitude ». Et puis moi, ne suis pas un créateur je suis un catalyseur : une substance qui quand tu la mets dans une solution en présence d’autres substances les fait réagir entre elles pour donner une solution nouvelle, et qui disparaît dans ce processus.

Le deuxième point est plus embêtant, cette envie de se retirer du monde c’est pas simple par les temps qui courent. Au lieu d’être contente de retrouver des connaissance parmi les connaissances, je me sens comme au milieu d’un tourbillon social, comme si je ne pouvais plus avoir un endroit d’intimité. Mais finalement, ça aussi je sais que c’est un effet ponctuel de ma visite trimestrielle sur Linkedin. Et puis moi, je ne suis pas une femme publique, je suis une relationnelle « présentielle », locale et intimiste.

Le non sens, c’est qu’en lisant je suis surprise car ce sont gens qui, quand tu les connais, ne partagent pas en vrai les choses qu’ils partagent sur Linkedin. Et du coup ça me paraît fake, fake, fake. Et ça me déprime. Comme si internet et le réseau enlevait tout son sens au sens. Tous ces gens qui disaient du mal les uns des autres et qui maintenant se “likent”, tous ces mots et ces concepts à la mode, tout ce bruit pour pas grand-chose, si peu de chose. Toute cette écume des choses…

Bon, je me sens mieux. Mais maintenant que j’ai réussi à dire que je trouvais que tout le monde disait du vent je me sens méchante ! Allez, ils auront tous le droit de trouver qu’on fait du vent sur L’Upside Down je me dis. D’ici là je te soumets une nouvelle règle : je veux qu’on interdise les likes sur nos correspondances 

Bises.

F/.

Question de pouvoir

Hello V/,

Du soleil ! Voici un bon début de semaine, je travaille la fenêtre grande ouverte avec le chant des grillons et des oiseaux. Je boirais bien un thé avec toi dans le jardin pour ma pause de l’aprem 🙂

J’ai pensé à toi ce week-end et aucun sujet évident ne me venait à l’esprit pour ouvrir le papier de bonbon, jusqu’à ce midi : mon patron va être décoré de la légion d’honneur, et j’ai appris ce matin que je faisais partie des invités à la cérémonie. La première chose, c’est que cela m’a permis de me renseigner un peu sur la distinction , car j’en étais encore à l’ère de la légion d’honneur réservée aux illustres militaires… Je me coucherai moins bête ce soir.

Plus étonnant, à l’idée de l’événement dans les sphères du pouvoir politique et numérique, et malgré le côté sympa de l’invitation, j’ai eu une réaction “laborieuse”. Un côté un peu “je me force”. En partageant cela ce midi et quelques autres situations (sans lien direct) de mon quotidien de “Head Of”, j’ai eu un feed-back intéressant “c’est vrai que toi tu as du mal à assumer le pouvoir”. Très clairement il y a un sujet autour du pouvoir, mais qu’est-ce que j’ai du mal à assumer ?

C’est quoi les implications du pouvoir, ses représentations, ses dérives?

En regardant d’un peu plus près, je différencie vraiment pouvoir et leadership : je n’ai (plus) aucun problème à assumer d’embarquer les gens et de prendre une place de leader dans un groupe, un sujet, une situation. Je crois donc que ce qu’il y a en plus dans la notion de pouvoir c’est la notion de statut, de “droit”, de chef tamponné, qui sort pour moi du côté naturel et situationnel du leadership. Et le côté permanent aussi : on te le colle en entier et tout le temps dessus, vs tu le prends quand c’est nécessaire et indiqué. (Ah, déjà tu notes dans la tournure le côté subit vs choisi !). Je n’ai jamais été attirée, voire j’ai parfois été rebutée, par le statut et le pouvoir. D’une force faite de désintéressement et d’humilité, c’est devenu avec les années un genre de paresse et de confort, voire une petite lâcheté. Pour que finalement il y a 6 mois je réponde “oui” à la question “donc tu es d’accord pour vraiment prendre le rôle de Head Of et le costume qui va avec ?”.

Depuis, tout va mieux, mais pas encore complètement bien. Quelque chose continue de me gêner aux entournures avec ce pouvoir.Je n’ai pas de problèmes avec prendre des risques, décider, me tromper, ne pas tout savoir, ne pas tout comprendre, qu’on ne m’aime pas ou moins, qu’on me jalouse, qu’on me méprise, pas de complexe d’imposture non plus, pas de problème d’éthique jusque là…Peut être le côté prétentieux, corrompu, dur, abus de pouvoir… me fait peur mais alors libre à moi de ne pas en arriver là, non ? Peut être juste que je suis une femme (mauvaise blague suivie de nos derniers échanges) …

Alors, pouvoir or not pouvoir ? Thas is the question.

Je t’embrasse!

F/.

Le conflit, la femme et la mère

Trente ans après L’Amour en plus, le naturalisme – qui remet à l’honneur le concept bien usé d’instinct maternel – revient en force. À force d’entendre répéter qu’une mère doit tout à son enfant, son lait, son temps et son énergie, il est inévitable que de plus en plus de femmes reculent devant l’obstacle. Jusqu’à quand sauront-elles imposer leurs désirs et leur volonté contre le discours rampant de la culpabilité ?

Catalyseur

nom masculin – de “catalyser”
Substance qui augmente la vitesse d’une réaction chimique sans paraître participer à cette réaction.
Élément qui provoque une réaction par sa seule présence ou par son intervention.
Larousse Substance qui augmente la vitesse d’une réaction chimique sans paraître participer à cette réaction.
Élément qui provoque une réaction par sa seule présence ou par son intervention.

Larousse