Il m’aura fallu deux ans

Encore moi V/ !

Je lis, je crée, je fais des liens, je me sens inspirée, je ne sens pas de fatigue psychique, ni de neurones encrassés. J’ai les petits marteaux qui tapent vite et précis. J’ai le flux qui circule en courant continu. J’ai une énergie mentale grande mais canalisée.

Je suis comme avant.

Deux ans, il m’aura fallu deux ans pour ressentir la même chose qu’avant ma grossesse, intellectuellement parlant.

Hormones, allaitement, fatigue, épanouissement, émerveillement, nouveauté, densité… Espèce! Animal programmé pour concentrer sa puissance sur autre chose, (et quelle chose!), pendant une période donnée.

Bien sûr j’ai recommencé à échanger, penser, lire, travailler… bien avant aujourd’hui. Mais ce plein potentiel, cette pleine puissance, il m’aura fallu deux ans.

C’est hyper intéressant, quand : on a la chance de pouvoir l’observer sans stress, de pouvoir adapter sa vie en fonction, de pouvoir profiter de la vie avec un cerveau réorienté, d’avoir un entourage qui te donne ce temps.

C’est vertigineux quand on sait que c’est rarement le cas d’avoir tout ça.

Alors quelques conclusions que je voulais partager avec toi :

– je suis contente, I’m back

– je suis reconnaissante pour cette remontada, aux autres, à moi, à la vie

– j’ai l’impression que je reviens de loin

– je suis surprise, la récupération physique m’était connue, la récupération intellectuelle m’était inconnue (depuis j’ai lu des études scientifiques là-dessus, sais-tu qu’il y a aussi un impact neuronal chez les pères?)

– je ne suis certainement pas la championne de l’espèce, je crois que mon délai de récupération est indécemment en dessous de la moyenne

J’ai envie de faire un grand, un immense bravo à toutes ces femmes qui prêtent leurs neurones le temps d’un enfantement. Ou, si je suis un cas isolé, à celles qui arrivent à les garder pour elles !

Avec toute mon humilité,

F/.

Ma goutte d’eau dans la mer

Salut V/,


Temps radieux, printemps frémissant, et pourtant…

– Aujourd’hui la Russie envahit l’Ukraine, la famille et les amis de mon amie sont passés d’une vie comme nous à une vie suspendue. Du jour au lendemain. Et surtout la démocratie et la paix en Europe sont bafouées. Nous sommes à un tournant de l’humanité ?
– Aujourd’hui c’est la publication du rapport du GIEC, le volet impacts, adaptation et vulnérabilité. “Les mesures prises aujourd’hui façonneront l’adaptation de l’humanité et la réponse de la nature aux risques climatiques croissants”. Pas du tout du jour au lendemain. Insidieusement. Nous sommes à un tournant de l’humanité ?
– Aujourd’hui les mesures anti COVID sont allégées. On croit qu’on sort d’une pandémie mondiale qui a tout paralysé. Nous sommes à un tournant de l’humanité ?

Bien sûr que nous sommes à un tournant de l’humanité. Chacun de nos actes façonne l’avenir de l’humanité. Mais il y a des journées où on s’en rend compte plus que d’autres.

Je fais des dons, des souhaits, des relais, de petits actes, je fais tout ce que je peux faire dans cette journée pour mettre ma goutte d’eau dans la mer. Pour contribuer à ce que la trajectoire soit la bonne.
Penser que c’est trop tard, se sentir impuissant, se dire qu’on n’en fait pas assez, en vouloir aux dirigeants, être triste, écoeurée… c’est le combustible qui doit permettre de rester mobilisé, mais cela n’a pas d’autre utilité.


Ce bonbon est mon allumette pour transformer mon petit bois et arrêter de ruminer.
Je sais que tu comprends!


J’espère que tu vas vas bien, et plus prosaïquement que tu as fais comme nous provision de soleil avant le retour à la grisaille !


Bises.


F/.

En avoir ou pas

Salut V/,

Je réponds ici à ton mail, “les langues se délient vraiment” dans lequel tu m’envoyais cet article du monde : Avoir fait des enfants est ma plus grosse erreur” – Plongée au coeur du regret maternel.

Oui, quand je pense qu’il y a quelques années c’était encore ultra tabou.  Ce qui est fou c’est que ça ne change pas le passage de cap : même pour des femmes qui savent ça, et qui ont peur de regretter, elles font quand même des enfants.
Je pense que la programmation de l’espèce pour se pérenniser est redoutable pour nous.

Mais je pense aussi qu’il y a encore beaucoup à faire pour que l’éducation et la société « produisent » des femmes de 20 a 40 ans qui se disent qu’elles ont le choix, vraiment le choix entre « avec » ou « sans » enfants, et qu’elles n’auront pas raté leur vie si elles n’en font pas.

Moi j’ai l’impression d’avoir eu mon chemin de croix pour arriver à démêler le sujet. Accepter que je ne ressentais pas ce besoin évident et impérieux, accepter de ne pas comprendre pourquoi je n’en avais pas envie comme la plupart de mes amies, accepter que ça me poserait quand même problème de ne pas en avoir, comprendre pourquoi ça me poserait problème, décider finalement que je n’en avais vraiment pas envie, mais savoir que si je n’avais jamais « la possibilité concrète » d’en faire je resterais quand même sur un non choix, de finalement avoir le choix, et de décider de ne pas en faire, m’appaiser enfin, voir enfin les réactions autour s’appaiser et me laisser en paix avec mon choix de vie (sans), pour finalement avoir un kairos ou on a eu envie d’en faire un (et le faire)… sans comprendre vraiment pourquoi !

Tout ce processus de décision est extrêmement incompréhensible irrationnel et subtil, tellement intime, et en même temps il ne dépend pas complètement de nous. Si l’on n’arrive pas à créer un espace aux femmes pour qu’elles puissent y renoncer (à la maternité) vraiment en paix, en ayant le choix et en sachant pourquoi, on continuera de créer des mères piégées.

Je ne comprends pas pourquoi la parentalité est présentée comme une chose évidente que tout le monde peut faire, contrairement à une carrière ou une performance artistique ou sportive… je ne comprends pas que personne ne se gargarise d’arriver à être parent alors qu’on le fait pour une promotion ou un achat de maison. C’est quand même beaucoup plus engageant et difficile d’être parent !

C’est d’ailleurs une des raisons qui m’a fait me poser des questions aussi longtemps. À 20 ans ma devise était « dans la vie, tout est réversible », ce qui me permettait de prendre des décisions sans peur. À 21 ans après mon avortement, j’ai changé de maxime pour « tout est réversible, sauf la vie et la mort ». Faire un enfant (la vie) m’apparaissait comme le seul choix impossible à faire pour moi puisque non réversible, donc à enjeux et responsabilité surdimensionnés pour ma petite personne.

On doit montrer patte blanche pour chaque boulot, chaque responsabilité sociale, prouver nos compétences et notre expérience. On doit demander des autorisations et des habilitations pour tout, même pour poser un abri de jardin. Mais absolument rien pour faire un enfant. C’est la beauté de la chose, c’est sans doute la liberté ultime aussi (sélectionner les gens aptes à faire des enfants est absolument impensable et horrifiant cf des faits déjà avérés).
Mais la liberté vraiment ultime serait, en tant que femme, de pouvoir aborder la chose de façon complètement allégée des contraintes sociétales biologiques et familiales. Pas possible aujourd’hui.

Je suis profondément heureuse de mon choix aujourd’hui, mais je sais que j’étais heureuse aussi en suivant l’autre voie. Il faut dire (très tôt !) aux femmes que les deux voies/voix sont possibles. Mais elles sont exclusives, et à partir d’un certain âge irréversibles toutes deux ! Ce choix crucial est pour moi le fardeau le plus lourd de la condition féminine.

F/.

Janvier c’est long, comme ce bonbon !

Chère V/,


C’est janvier ! Nous avons tous nos saisons, je ne sais pas ce que représente janvier pour toi. Est-ce que tu es en forme ? Est-ce que tu vois la vie en rose ?


Autour de moi, je sens que c’est plutôt mou. Certains vivent des choses très dures, comme si la trêve de Noël s’était arrêtée brutalement. D’autres sont sur de nouveaux départs, qui promettaient de l’énergie nouvelle, mais tout part au ralenti et c’est comme si les chevaux n’étaient pas “franchement lâchés”. D’autres vont très bien et sont dans une période enthousiaste, mais me disent qu’ils ont la sensation qu’il faut beaucoup d’efforts pour faire ce qui paraît pourtant simple. D’autres encore déroulent leur “winter action plan” préparé au moment où les jours raccourcissent, pour ne pas tomber dans la déprime en janvier.

De façon générale, j’ai la sensation que janvier est un mois où les énergies ne sont pas très circulantes, où l’excitation des fêtes retombe, où le temps pousse à se retrancher chez soi. Cette année, réalité ou excuse, s’ajoute à cela la lassitude de ces deux années de COVID où le “stop and go” a fatigué même les plus énergiques. Difficile donc de s’abreuver à la rivière commune, de compter sur l’extérieur pour se redynamiser, où de lancer des choses à la force du poignet. Note au passage, l’équinoxe de printemps serait un moment bien plus sympa pour commencer l’année !


De mon côté, janvier est toujours un mois de relâchement, presque de soulagement.
Comme prise par surprise tous les ans, après une période de trois mois de “rentrée” dynamiques, j’arrive fin décembre souvent épuisée. Je gère mal les 100 derniers mètres. A fortiori quand je suis en contact avec des groupes à animer, des personnes à coacher, des réunions de famille à organiser, je sens que j’ai des fuites. Mon énergie se donne sans contrôle et à trop haut débit par rapport au réservoir disponible.Ensuite arrivent les fêtes.

Je suis bête mais je me soigne : à force d’être surprise tous les ans, j’ai fini par trouver un rituel de fin d’années qui soigne (pas seule, donc j’ai beaucoup de gratitude pour mon mari et ma famille qui permettent cela). Des fêtes plus frugales en déplacements, en cadeaux et en nourriture (moins mais mieux). Des fêtes plus paisibles, en famille réduite. C’est le début du recentrage. Et enfin, quelques jours de retraite Bouddhiste à deux, forme un peu aménagée cette année car beaucoup de visio et pas de grands rassemblements, mais quand même un recentrage qui n’était pas du luxe.


En janvier ? Eh bien tous les ans en janvier, j’ai envie de me retirer, de profiter de me sentir à nouveau “juste bien”. L’énergie est toujours basse, mais l’orientation devient positive. L’encombrement intellectuel et émotionnel lourd de décembre font place à une petite clarté, minuscule mais très précieuse. L’angoisse du futur se tait, l’avenir s’ouvre, les journées rallongent. Il faut cultiver cela, patiemment, en retrait le plus possible, avant de revenir au monde. Souffler sur les braises. Cette année, cela se manifeste par des heures à lire et à creuser des sujets qui n’ont pas de lien avec ma subsistance ou mes obligations. Je retrouve la lenteur et le plaisir de croiser les sources pour affiner une info, un facétieux souci du détail et ma frénésie de maîtriser toutes les finesses d’un sujet et pas seulement ce qui est réellement utile (par exemple, les différents types de bonite qui servent à faire le bouillon dashi dans la cuisine Japonaise, j’affirme que ça n’est pas vraiment utile…). Bref, en termes MBTI je suis encore sur un fonctionnement “sur mon inférieure” et “en récupération”… mais bien orientée !


Au milieu du courant quotidien et de ses obligations, depuis un de ces petits moments de retrait, je clos ce bonbon long, que je t’envoie avec mes meilleurs vœux affectueux pour cette année.

Puisse janvier prendre soin de toi.


F/.

Je suis une succession d’états, pas une histoire cohérente

Chère V/,

Ça bouillonne cette semaine, j’ai l’impression que la bonbonnière est pleine mais les bonbons sont collés entre eux je n’arrive pas à en attraper un petit bien rond et bien précis.
Je vais donc commencer par le début de la semaine : lundi j’ai pleuré. Je me suis retrouvée à pleurer dans la rue en marchant, marcher était la seule chose qui me paraissait faisable alors j’ai encore marché. Quand je m’arrêtais je n’étais pas bien, alors je recommençais à marcher.


Je ne sais pas depuis combien de temps je n’ai pas été déprimée ainsi, profondément, sans événement ou raison. Un genre de peine pure et entière. C’était un collapse comme j’en connais régulièrement (toutes les quelques années aujourd’hui, tous les quelques mois quand j’avais 25 ans…). Un signe de ponctuation dans ma vie que je connais bien. En y réfléchissant, je crois même que c’est un point virgule.


Je te passe toutes les interprétations possibles et imaginables, parce que justement c’est cela que je voulais partager ici. Cet état n’a pas d’histoire.
Cet état, il est autosuffisant. Il existe, il est palpable, quand il est là, à cet instant, il est important, grave, profond, il m’ébranle.Même si il n’est pas lié à un évènement, même si objectivement il n’y a pas de raison qu’il s’élève. Il ne faut pas tourner les talons, l’ignorer, faire comme si il n’existait pas.Cet état, il est violent. Quand il est là j’ai besoin de repli, de protection, de douceur et d’inaction.Cet état, ça n’est pas “c’est l’hiver, il fait gris, tu es fatiguée, tu as trop pris sur toi, tu n’es pas superwoman…”.Cet état ça n’est pas “repasse en revue tes derniers mois, ta dernière année, il y a forcément une explication, cherche encore”.Cet état ne pars pas en “faisant ci, faisant ça”.


Je revendique ce droit à être très mal, juste ici et maintenant, et à avoir été très bien, pendant longtemps et juste avant.
Je revendique le fait que c’est grave, pendant peut être 24 ou 48h. Mais que ça n’existe plus après.Si avant je suis heureuse, et après aussi, ça ne minimise pas le trou noir dans lequel je suis à ce moment là. Je n’ignore pas le bien à l’échelle de ma vie, il n’est juste plus là à ce moment-là.


Je revendique aussi le fait que quand c’est fini, il n’y a pas de faux semblant. Quand c’est fini, je suis bien, et c’est vrai. Je n’ignore pas le mal qui s’est invité dans ma vie, il n’est juste plus là.
Voilà, je voulais crier au monde à travers toi et ce bonbon que je revendique ce droit à être “une successions d’états d’être” et à être dans l’état ou je suis au moment où je le suis. Ne pas être jugée comme une histoire cohérente sur la durée, ou résumée à une vérité “moyennisée” sur la durée. Ne pas être interprétée comme étant “dans le vrai” ou “dans le faux” à certains moments alors que je suis simplement dans ma vie à chaque instant.


Alors oui c’est déstabilisant, oui c’est bizarre, mais c’est la réalité.
John Welwood disait, avec de bien plus jolis mots, que la vie est schématiquement comme une succession de vagues, ou bien de sommets et de vallées. Il ne sert à rien d’avoir peur quand on est en haut puisque l’on va de façon certaine redescendre à un moment, et il ne sert à rien de déprimer lorsque l’on est en bas puisque l’on va forcément remonter un jour.Mais avec la pratique, la méditation, la concentration, l’éveil… (appelle cela comme tu le souhaites), on acquiert quelque chose qui fait que les vallées sont moins profondes. On a alors l’impression que l’on est moins heureux, moins euphoriques des sommets. La vérité c’est plutôt que les vallées se sont comblées.


 Je t’embrasse du fond de la vallée, ce bonbon colle un peu mais finalement il est sorti du pot !


F/.

Quand tu te lèves dans le brouillard

Chère V/,


Ce matin je me suis levée avec la tête dans le brouillard, une espèce de brume entourant les perspectives de la matinée, de la journée, de la vie même. Je n’aime pas ça. Personne n’aime ça. Alors on en fait quoi ?


C’est le genre de réveil qui me faisait activer quand j’étais plus jeune le mode “démission” : cette journée est fichue, j’attends demain, je ne fais rien, je suis tétanisée, je reste au lit… Rien de tel pour s’enfoncer un peu plus dans le brouillard !

Ensuite je suis passée au mode forcing : tout me paraît noir, alors j’essaye d’en faire des tonnes pour que la journée devienne extrêmement productive; ou “comment donner du sens à ta vie en entreprenant des choses le jour où tu es le plus mal lunée”. Tu la sens la mauvaise idée ?

Plus tard j’ai adopté ton expression : je fais la planche ! Je fais face et je déroule ma journée. De là à nager le crawl non, mais au moins je ne reste pas sur la plage toute la journée. Et là, on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise : parfois l’horizon apparaît vite, et clément ! Sinon, on a quand même fait mieux que rien.

Aujourd’hui, j’ai fait évoluer ma technique, je cherche en premier lieu le petit radeau qui me fera prendre le courant. Ne surtout pas me poser de questions, et parmi ma liste de possibles choses à faire, ne pas commencer par la plus urgente ou la plus importante mais par la plus motivante. De quoi ai-je envie pour dissiper le brouillard et trouver l’énergie ? Tu vois ce matin, c’était un café au village, un coup de fil, et un bonbon.


Quoi de tel qu’un test grandeur nature pour sentir ce que ça fait d’envoyer et de recevoir à nouveau des bonbons ? Moi ça me fait : chaud au coeur de retrouver ce lien avec toi, des petits papillons dans le ventre aussi parce que c’est un peu intimidant, ça m’excite d’écrire à nouveau dans cet espace, et ça me vexe que le premier bonbon sente la glaise comme ça (bonjour la honte ? Ah ah). Mais c’est bien le principe de l’Upside Down : partager ce qui est là, glorieux ou pas !


Je t’embrasse, et je fais la planche, mais je sens déjà mon orteil gauche qui commence à battre.


F/.

Beaucoup de bruit pour rien …

Salut V/ !


Je te retrouve sur ce canal après une longue absence. J’ai délaissé mon ordinateur parce que je saturais de mon ordinateur. Autant je vis bien le confinement, autant la connexion permanente “de tout le monde à tout” commence à me peser. Ca n’est pas tant le fait bosser en télétravail, ce que je fais souvent, mais le fait que tout le monde n’ait que le téléphone et l’ordinateur pour communiquer. Cela sature ma bande passante numérique.


Je suis dans mon premier jour de vacances confinées, et je tente une déconnexion professionnelle totale. Ce matin dans ces conditions, j’ai pris conscience que le foisonnement actuel su la prospective de “l’après COVID19” ne m’intéresse plus du tout. J’ai l’impression d’avoir été noyée sous les articles, prises de parole et autres essais, reçus transférés et trouvés. Chacun y va de “celui-ci est vraiment mieux”, “celui-là est le meilleur que j’aie lu” (y compris moi), typiquement les phrases qu’on est obligés de mettre en épithète pour faire émerger de la masse quelque chose. Oui c’est cette “masse” qui me fatiguais ces derniers temps. Là où d’habitude on te donne un article parce que tu t’intéresse à un sujet, ou le sujet en lui même suffit pour te donner envie de lire car il t’interpelle et n’est pas traité par n’importe qui, en ce moment tout le monde traite du même sujet avec un angle différent. Et tout le monde a et donne son avis, comme si tous les avis se valaient, avec pas forcément de données ou d’expériences qui apportent quelque chose. Je ne sais pas comment va être appelé ce syndrome là, il va forcément avoir un nom s’il n’en a déjà un, mais je souffre de covidoprospective saturation !  Un peu la même sensation que quand je me risque sur Linkedin, après un moment d’intérêt je ressors avec “Un goût de rien…”.


Je suis aussi fatiguée de l’excitation ambiante, je ressens certes une saturation de l’espace de parole et de discussion comme je le disais précédemment, mais aussi une façon de traiter les choses de toutes parts qui est paradoxale : tout est à l’arrêt, on parle de ralentir, et l’on maintien une forme de tension artificielle et de débauche d’énergie, là où une canalisation serait plus vertueuse. (Je ne parle pas évidemment des personnels de santé et secours…).


Bref, je sais bien qu’occuper le terrain est un réflexe bien normal pour combler le vide, mais un peu de vide sain dans l’espace de parole public, professionnel, digital en général ne me ferait pas de mal. Et je m’en vais donc me faire l’équivalent d’une semaine sans lecture, mais uniquement sans lecture “digitale” et garder mes romans, et messages amicaux et familiaux. Exit mails, newsletters et channels d’actualité ! Bonjour travaux physiques et manuels.


Je t’embrasse, merci de faire partie de ce qui reste 😉
F/.

Moi en mode dégradé, c’est le pied

Hello V/ !


Dehors il pleut, il vente, il fait froid, il fait nuit. Et dans moi il fait mou, il fait doux, il fait coton et chamallow, il fait bon et chaud. J’ai l’impression d’être un 45 tours qu’on a mis en mode 33 tours sur la platine. Je suis lente et étirée dans le temps, je mets deux fois plus de temps à faire chaque chose qu’en rythme habituel. Je passe trois fois plus de temps sur le canapé. Et ça dure depuis un mois.


Au début, ça m’a contrariée, ça n’était pas du tout adapté à la vie que je menais et “je prenais du retard”. Ensuite, ça m’a inquiétée : ça allait se voir, ça allait avoir des conséquences, ça allait me porter préjudice à terme. Et puis j’ai été résignée : je ne peux pas faire plus en ce moment, je ne peux pas donner ce que je n’ai pas.


Et tu sais quoi? Aujourd’hui ça me rend gaie. C’est la chose la plus surprenante qui me soit arrivée ces derniers temps.
J’ai la flemme, j’aime ma flemme. Je suis lente, je savoure. Il y a un côté jubilatoire à se détendre totalement dans le ralentissement imposé par ton corps en hiver. Et dès que tu le vis comme ça vient c’est tellement plus léger ! Vendredi j’ai travaillé en pyjama toute la journée, je ne l’avais jamais fait, et j’ai trouvé ça trop bon. Petit côté jubilatoire de se laisser aller à faire ce que tu sens même si c’est franchement pas glorieux. Petit enfant intérieur qui se marre. Et puis quelle force l’inertie! C’est une énergie en soi finalement. Pour me bouger faut me porter ou me faire rouler, du coup finalement peu de gens essayent !
Une pensée qui m’habite c’est “Aie confiance, la vie s’adapte à ce que tu peux donner”. Je ne saurai jamais ce que j’aurait pu avoir si pendant ce mois écoulé j’avais “envoyé du lourd”, donc je ne le regretterai jamais. Personne ne saura jamais que je suis en sous capacité car c’est un indicateur qui ne se mesure pas dans l’absolu. Le seul risque que j’ai c’est que des choses “n’adviennent pas”, mais alors je ne le saurai pas et ne pourrai pas les pleurer.
Peut-être que je me considère comme un objet précieux en ce moment…


Bises de F/ la mollasse !

L’enfer c’est les autres

Hello V/,


Ce soir je te propose une petite immersion au cœur de Paris en grève. On en parle, on le vit, on s’adapte. Ici c’est pas la même vie depuis le 5 décembre. Pour ma part, pas la plus à plaindre : ma moitié me prête son vélo pour aller au bureau, et la plupart de mes équipes travaillent à distance sans aucun problème. Je pense tous les jours à ceux qui n’ont pas cette chance : infirmière, cafetier, loueur de voiture pour ne citer que ceux que j’ai croisés tôt le matin, et qui s’étaient levés à 5h ou avant pour traverser Paris et parfois la banlieue à pied. Freelance et entrepreneurs pour qui un jour annulé est un jour de salaire perdu. Mamans célibataires qui ne savent plus comment s’organiser. Bref, moi en vrai, ça va.
On est donc des milliers à aller travailler le matin à vélo, à pied, en deux roues en trottinette, alors qu’on prend le métro d’habitude. Et ça fait beaucoup de monde, sous la pluie, entassés et un peu sur les nerfs. Le premier jeudi, c’était presque chouette. Personne dehors, pas un bruit, temps doux et sec. Mais les jours sont passés, la tension est montée, la pluie est tombée, les nerfs se sont usés.


Pourquoi je te raconte ça? Parce que ça m’a posé beaucoup de questions sur notre propension à vivre ensemble quand c’est “la crise”.
La première chose c’est que personne ne respecte plus les petites règles de base. Le camion bloque tout le monde car il est garé en plein milieu d’une rue étroite, car la voiture est garée sur sa place livraison, donc les motos empruntent les pistes cyclables, du coup les vélos montent sur le trottoir et les piétons passent au rouge pour ne pas se faire bloquer par le camion, le vélo, le scooter, qui passent au rouge aussi pour essayer de s’extraire. Et c’est le cercle vicieux, parce que si toi tu respectes toutes les règles (en fait déjà tu ne peux pas), et bien tu n’arrives jamais à destination. La deuxième chose, c’est que tout le monde se déteste ! On voit vraiment tous les matins des personnes se hurler dessus, s’insulter, taper sur les voitures ou les vélos. (On ne voit pas ça d’habitude quoi qu’en disent les détracteurs des Parisiens). Les cyclistes détestent les voitures qui ne font pas attention à eux, mais détestent aussi les autres cyclistes qui font une mauvaise réputation aux cyclistes car ils se conduisent mal. Les piétons qui passent au bonhomme rouge mais qui se vivent comme les frêles victimes de tous les engins plus rapides qu’eux, enchaînent les leçons de morale aux cyclistes qui osent s’aventurer sur “leur” passage clouté. Les automobilistes, l’avantage c’est qu’ils ouvrent rarement la vitre pour gueuler vu le temps… Bref, tout le monde se croit meilleur que les autres.


Alors moi je m’exerce. Je m’exerce à ne pas griller un feu quand ce serait facile et sans danger, à ne pas monter sur un coin de trottoir même quand ça ne gêne personne. Et je m’exerce à faire taire les “connard” qui montent dès que je subis une incivilité. Bref, je ne suis pas meilleure qu’une autre alors je m’entraîne juste à ne pas rajouter au pot. Et c’est dur parce que la moutarde monte vite!
Alors merci à celui qui m’a laissée passer, celle qui m’a souri, celle qui n’en pensait pas moins mais qui n’a rien dit quand j’ai traversé le parc sans descendre de vélo. Et j’espère vraiment qu’on sera plus solidaires si on est face à quelque chose de vraiment grave un jour.


Bises!
F/.

Je suis blasée ?

Dis donc V/,

J’ai l’impression d’être un triste sire.

Je vois toujours les améliorations possibles partout, je n’aime pas la course à l’effet wouhaou, je suis à l’aise avec la réalité plus qu’avec le storytelling, je suis rarement satisfaite d’un livrable ou d’une production dans l’absolu ni de ma part, ni de celle des autres (à part les vraies œuvres d’art…), j’admire rarement quelque chose ou quelqu’un, je n’ai pas beaucoup de références ou de modèles (je n’arrive jamais à répondre à cette question), je suis rarement profondément touchée par une production créative de mon entourage, j’ai du mal avec l’euphorie et l’excitation, j’ai du mal à être optimiste quand au sort de la planète, des animaux et des hommes finalement..

Je suis blasée tu crois ?

Pour autant je suis d’une nature plutôt gaie, me délecte de petites choses, je jubile devant un bon plat, je trouve que les initiatives personnelles ont une valeur folle, j’aime le processus de création même si je n’admire pas le produit, je trouve que les gens ont tous une part de folie, de puissance, de grandeur, je me sens minuscule face aux gens qui entreprennent de grandes choses, je peux pleurer et danser au son de musiciens immenses, frémir devant un tableau, me nourrir d’un bon texte, faire l’amour naturellement, je ris souvent, je sais que les bonnes surprises sont légion dans la vie et les relations, que la fête est dans chaque instant et l’aventure au coin de la rue, que l’amour existe, et que le bonheur est dans le pré, j’aime me battre pour ce(ux) en quoi je crois, défendre mes convictions, apprendre à la folie, être curieuse avec des curieux, échanger des idées, faire circuler faire circuler…

Je crois que je me trouve chiante et quand je me trouve chiante je dois être chiante. Faut que j’aille boire une bière au café du coin…

F/.