Salut F/,
Comment vas-tu en cette fin de semaine bien fraîche ? Tu es peut-être à l’heure qu’il est dans le TGV qui t’emmène au moulin, ou sinon, tu ne dois pas être bien loin de Montparnasse, frétillante d’impatience à l’idée de retrouver ta maison!
Comme tu le sais, je travaille en ce moment pour une association qui oeuvre dans le secteur de la protection de l’enfance. C’est dur, de découvrir ce monde, de ce que notre société fait aux enfants qui n’ont pas de parents, ou des parents qui ne peuvent pas s’occuper d’eux. A chaque entretien, je découvre un peu plus de ce que vivent certains de nos petits concitoyens, les épreuves qu’ils traversent, et les grands chagrins auxquels ils doivent faire face. Mon engagement associatif m’avait emmenée du côté des jeunes atteints de cancer, de chômeurs de longue durée, et les histoires que j’y avais entendues étaient loin d’être toutes gaies. Mais là, on touche à l’enfance, à ces petits êtres si naïfs, très vite plongés dans le bain de la violence des adultes et de la vie, et c’est insupportable. Je ne sais pas qui peut cautionner ca. Notre société déconne à pleins tubes.
J’ai un respect immense pour tous les professionnels qui se lèvent le matin et veulent changer ca. Pour les familles d’accueil, les éducateurs, les psychologues et chefs de service qui, 24h/24 et 7 jours sur 7 s’occupent de jeunes parfois violents, souffrant de handicap, et abîmés par la vie, au simple titre qu’on a tous droit à une vie digne, et le droit d’être aimés. J’ai la chair de poule en t’écrivant ca. Je serais bien incapable de faire ce qu’il font. Et pourtant, malgré la noirceur du monde qui parfois me saute aux yeux, le simple fait que ces personnes existent et s’engagent me donne de l’espoir. Que c’est beau, cette humanité à vif. Je les tiens, mes thérapeutes combattifs. Ils sont là, sous mes yeux, et je n’ai qu’à les regarder pour m’en inspirer, me nourrir de leur force et de leur puissance pour aller mener mon propre combat. Jeudi prochain, j’ai un atelier avec eux, et je vais leur dire tout ca. Parce que les mots, c’est tellement important.
Je te souhaite un bon week-end et te fais de grosses bises,
V/
Hello V/,
Je t’écris à nouveau toute frétillante à l’idée de prendre mon TGV vers le moulin dans 3 jours!
J’ai relu attentivement ton bonbon avant de te répondre. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas trouvé de réponse sur le moment. Je n’en trouve pas beaucoup aujourd’hui non plus. Je comprends que tu sois bouleversée par ce que tu as vu et entendu, et je me sens bien petite face à ces gens qui s’engagent chaque jour.
Le sujet de la souffrance des enfants, que ce soit par la maladie, la maltraitance physique ou psychologique… m’est quasiment insoutenable, et je crois que je serais incapable de m’y confronter au quotidien. Qui plus est sans savoir ce qu’ils deviennent parfois quand tu interviens à un moment très ponctuel de leur vie.
Et surtout je me demande comment ils font quand ils rentrent chez eux ces thérapeutes combatifs, quand ils doivent prendre le cours “normal” de leur vie parce qu’ils ne peuvent pas être les parents de tous ces enfants 24h sur 24. Et que font ces familles qui accueillent et ne peuvent pas continuer d’aider les enfants qu’ils ont vus passer.
J’admire leur engagement, j’admire leur force, et j’admire surtout la vie qu’il continue de vivre avec leurs propres familles et leurs proches.
Aider les aidants est un combat qui te va bien.
Je t’embrasse bien fort.
F/.