Salut F/!
J’espère que tu continues à profiter de tes vacances et que votre route vers le sud se passe bien!
J’ai longtemps hésité à écrire ce bonbon – peur que mes enfants tombent dessus un jour, peur du regard des autres, peur que mon mari, avec qui le sujet est délicat à aborder, le lise et qu’une fois encore cela envenime nos échanges. Et pourtant, je me lance aujourd’hui, avec l’espoir que l’écriture ait, comme si souvent, l’effet cathartique dont j’ai besoin sur ce sujet si délicat qu’est pour moi la maternité!
Je te l’écrivais dans un post précédent, je trouve qu’il y a encore un énorme tabou autour de ces sujets. Alors oui, les langues se délient sur le côté parfois “fatigant”, voire “usant” de la parentalité. On en rit avec les autres parents, et on s’envie mutuellement quand les enfants partent en vacances chez les grands-parents et que, ouf, on va enfin avoir une semaine tranquilles à deux (alors qu’on travaille de 9h à 18h, mais les soirées, c’est toujours ça de pris). En revanche, on assume beaucoup moins de poser la question cruciale : “mais est-ce que parfois, tu regrettes d’avoir eu des enfants” ?
Globalement, je ne dirais pas que je regrette d’avoir eu mes enfants (enfin parfois, si, mais heureusement c’est ponctuel). Si je n’en avais pas eu, j’aurais passé ma vie à me dire que je passais à côté d’une expérience pour moi incontournable de la vie, et j’aurais certainement été malheureuse de ça. Et pour autant, je suis incapable d’affirmer que j’aurais été moins heureuse sans mes enfants. Je souffre de l’absence de liberté que me procure ma situation de maman, les journées qui s’enchaînent sur le même rythme, le sentiment de “voler” quelques jours entre copines quand je pars sans eux, la fatigue psychique et mentale qu’ils provoquent chez moi. Du fait que l’imprévu ne soit quasiment plus possible, et pendant encore quelques années. Que “glander”, qui pourtant n’a jamais été mon activité favorite, ne puisse plus faire partie de mon vocabulaire. Que le lundi matin soit parfois le bienvenu, parce que cela veut dire que le week-end est (enfin) fini.
Mais je crois que ce qui me pose problème par-dessus tout, c’est que ma vie de maman, et le temps consacré à mes enfants, empiète très, trop, largement sur ma vie amoureuse. Mon mari, je l’ai choisi parce que c’était la personne avec laquelle j’aimais et je voulais passer le plus clair de mon temps. Plus de 7 ans après, c’est toujours vrai. Mes enfants, j’ai choisi de les avoir mais je ne les ai pas choisis, eux. Je suis heureuse qu’ils soient arrivés, mais frustrée aussi qu’ils phagocytent à ce point ma vie de couple. Que les discussions à deux soient difficiles, voire impossibles selon les situations. Que la vie intime soit planifiée, calculée. Que les projets à deux, tellement faciles à mettre en oeuvre avant, soient maintenant beaucoup plus durs à réaliser. Et pour autant, ne me comprends pas mal, du temps à deux, on en a. Mais tellement moins qu’avant, et tellement moins que j’aimerais en avoir.
Alors, profite de tes vacances pour moi. Savoure le temps à deux, et envoie-moi un peu du bien-être qu’il génère chez toi.
Je t’embrasse!
V/
Hello V/ !
J’ai envie de dire : enfin ! et merci, énormément, pour ce que tu livres de façon très authentique sur la maternité, je sais combien cela te tient à cœur, et aussi à quel point il est difficile de prendre la parole sur ce sujet. Quel courage et quelle justesse.
Quelle utilité aussi : j’ai discuté depuis grâce à toi avec plusieurs mères qui expriment et parfois écrivent le même genre de vécu et pourtant ne le partagent pas, pour les mêmes barrières, celles que tu cites, et qui sont si dures à franchir. C’est un peu la triple peine : être mal, se sentir coupable de l’être et en plus ne pas pouvoir en parler. Et donc se penser isolée. Acculée. Alors je fais circuler un peu de lien par ricochet.
Pour moi également ton témoignage est précieux, moi qui n’ai pas totalement fermé une voie ou l’autre, qui n’ai pas fait d’enfants et qui n’ai pas non plus acté de ne pas en faire. Plus le choix est conscient plus il est difficile, tu as tout dit des questionnements que cela génère (et oh combien cette question de notre espace de couple en est une pour moi aussi!!), et qui sont insolubles. Et si aujourd’hui je suis heureuse et à mon aise dans les deux scénarios, c’est bien parce que j’ai compris que dans les deux cas il y avait du sens … et du dur.
Qui a dit : “La maternité est tout de même la plus grande arnaque de notre société, et personne n’en parle ! ” ? Eh bien grâce à des gens comme toi cette assertion va disparaître ! Donc voilà, tu peux être un genre de thérapeute militante pour beaucoup de gens sur ce sujet.
Avant de te laisser, je vais quand même te raconter un peu de ce que j’ai entendu de toi, de l’autre côté du miroir : “je suis heureuse de rentrer chez mois, j’ai hâte d’aller retrouver ma famille, tout le monde n’a pas la chance comme moi d’avoir une cellule familiale apaisée et saine, qu’est-ce qu’on a rigolé, c’est quand même une chose géniale et incroyable à vivre en tout cas c’est ce que moi je ressens malgré tout, avec eux même prendre le bus devient une aventure, penser à elle me permet de relativiser certaines choses et d’envoyer paître des gens, ma famille c’est tellement une ressource pour moi…”
Alors, avec plaisir je t’envoie un peu de la saveur profonde et incomparable de ma semaine à deux. Mais toi, continue de me faire profiter de cette intense expérience à quatre dans toute sa variété !
Je t’embrasse.
F/.