S’arrêter et savourer

Salut F/,


Je te sais sur les routes au bord de la Loire, pédalant vers l’océan. J’espère que tu profites à fond de ce voyage, tant attendu et mérité, et que vous faites de belles découvertes en chemin!


Pour ma part, je fais un bref arrêt chez moi entre deux sessions de vacances, et ça va bien. Ca va même merveilleusement bien. Si bien que j’avais envie de partager ça avec toi. Je vis un moment où tout est à sa juste place, où je suis dans le bon rythme, entourée des bonnes personnes, dans un équilibre presque parfait. Et je trouve ça incroyable de vivre cet état-là, de le rencontrer de plus en plus souvent, de goûter à cette plénitude qui donne envie d’exploser de joie tellement c’est bon!
Tu me confiais un jour dans un message vocal que tout ce travail que tu avais fait sur toi ces dernières années, il t’aidait à identifier les moments où tu n’étais pas mal, et à les goûter avec plaisir. Et que c’était déjà tellement énorme que tout ce travail en valait la peine. Pour ma part, je me rends compte que tout ce travail me permet de sublimer les moments où ça va bien. De mettre en lumière qu’il y en a plein, des moments comme ça, et que toutes ces années, je les ai considérés comme acquis, sans même vraiment m’en rendre compte. Qu’aller bien, c’était normal, et que donc ça n’avait pas tant de valeur que ça.

Alors voilà, aujourd’hui je prends la décision de régulièrement m’arrêter, et de les savourer, ces moments. De me laisser emplir de cette joie profonde d’être là où je suis, comme je suis, en pleine possession de mes moyens, et si bien entourée. Ca fait un bien fou.


Je t’embrasse fort et espère manger une glace sur la plage avec toi demain! V/

Le bon côté des gens

Salut F/,

Après un long silence, qui s’explique principalement par des journées de vacances en famille bien remplies, je t’écris depuis mon vol vers Bruxelles pour partager avec toi des réflexions et questionnements assez intimes, qui m’occupent l’esprit ces dernières semaines.

Depuis quelques jours, je m’étonne de constater que de plus en plus, je vois les qualités des gens qui me sont proches ou que je côtoie régulièrement (et avec une encore plus grande surprise, celles de mes beaux-parents !). Pas que jusque-là, je ne voyais que leurs défauts, c’est bien plus subtil que ça, mais disons que je ne pouvais m’empêcher de noter des choses qui me plaisaient moins, de porter un jugement négatif sur certains traits de personnalité. Et puis voilà que je me surprends à voir de manière évidente et magistrale les qualités de chacun, ce qui fait sa valeur profonde, qui le rend « aimable ». Tu me connais, je me suis donc vite posé ma question préférée : « mais pourquoi ? ». Je crois que le processus a clairement commencé lorsque j’ai ouvert la réflexion autour du concept de vulnérabilité. Assez vite, j’ai réalisé que pour développer des relations profondes et authentiques (sujet central chez moi depuis toujours), il était illusoire de se contenter de montrer son côté fort, lisse, social – ce que Jung appelle, je crois, la persona. Quel changement de paradigme pour moi qui l’avais si bien travaillée, cette persona !

Creusant encore un peu plus loin, j’ai commencé à lire des textes sur nos ombres, et en particulier le livre de Jean Monbourquette, « Apprivoiser son ombre ».

Sa lecture m’a fait réaliser que, plus que de montrer son moi « parfait » et conforme, ce sont nos imperfections, nos petites faiblesses, nos questionnements qui créent du lien véritable, et qui donnent cette belle saveur à la vie.

Ca n’a peut-être l’air de rien comme ça, ce petit paragraphe qui a un certain goût de « déjà vu / déjà lu ». Mais je crois bien que ces dernières semaines viennent de me faire faire un bon énorme vers plus d’humilité et de connexion aux autres.

Je t’envoie de grosses bises presque belges, et te dis à très vite !

V/

Je suis blasée ?

Dis donc V/,

J’ai l’impression d’être un triste sire.

Je vois toujours les améliorations possibles partout, je n’aime pas la course à l’effet wouhaou, je suis à l’aise avec la réalité plus qu’avec le storytelling, je suis rarement satisfaite d’un livrable ou d’une production dans l’absolu ni de ma part, ni de celle des autres (à part les vraies œuvres d’art…), j’admire rarement quelque chose ou quelqu’un, je n’ai pas beaucoup de références ou de modèles (je n’arrive jamais à répondre à cette question), je suis rarement profondément touchée par une production créative de mon entourage, j’ai du mal avec l’euphorie et l’excitation, j’ai du mal à être optimiste quand au sort de la planète, des animaux et des hommes finalement..

Je suis blasée tu crois ?

Pour autant je suis d’une nature plutôt gaie, me délecte de petites choses, je jubile devant un bon plat, je trouve que les initiatives personnelles ont une valeur folle, j’aime le processus de création même si je n’admire pas le produit, je trouve que les gens ont tous une part de folie, de puissance, de grandeur, je me sens minuscule face aux gens qui entreprennent de grandes choses, je peux pleurer et danser au son de musiciens immenses, frémir devant un tableau, me nourrir d’un bon texte, faire l’amour naturellement, je ris souvent, je sais que les bonnes surprises sont légion dans la vie et les relations, que la fête est dans chaque instant et l’aventure au coin de la rue, que l’amour existe, et que le bonheur est dans le pré, j’aime me battre pour ce(ux) en quoi je crois, défendre mes convictions, apprendre à la folie, être curieuse avec des curieux, échanger des idées, faire circuler faire circuler…

Je crois que je me trouve chiante et quand je me trouve chiante je dois être chiante. Faut que j’aille boire une bière au café du coin…

F/.

Il n’y a plus de dimanche soir

Hello V/ !

Je t’écris depuis “Paris au mois d’août“ !
Je ne sais pas si tu as lu le roman éponyme, mais je crois que tout est encore valable dans ce livre qui commence pourtant à dater. Tu me disais que tu avais toujours du mal à imaginer que des gens travaillent à Paris au mois d’août et c’est vrai, c’est un espace temps à part. Cela me fait réaliser que la frontière entre travail/vacances et pro/perso est de plus en plus poreuse pour moi, et au bon sens du terme.

Je me souviens d’une époque où les notions de rentrée étaient très marquées, souvent appréhendées, rarement agréables. Où les dimanches soir étaient synonymes d’une légère angoisse. Où consulter ses mails hors “temps de travail” était tabou sous réserve d’introduction du monde du travail dans la sphère privée

Dans la vie, je trouve que ce qui est rude ce sont les débrayages-embrayages, ces faux passages d’un univers à l’autre ou d’une posture a l’autre. Je dis “faux” car ériger des barrières alors que la vie est un tout et cloisonner les univers alors que tout existe à chaque instant n’a été ni très efficace ni très utile pour moi.

Aujourd’hui les transitions sont plus douces et me coutent moins d’énergie. C’est mon esprit qui change de focus et qui reste “là où il est quand il y est” avec moins de peine et moins de lutte. Je n’ai plus l’impression de travailler quand je traite des sujets de travail pendant mes vacances, ni de chômer quand je parle d’un sujet personnel avec les équipes. J’ai toujours des moments d’envie ou pas envie, ça ça ne change pas ! Mais ça n’est plus un poids.

Je me souviens d’une époque où les notions de rentrée étaient très marquées, souvent appréhendées, rarement agréables. Où les dimanches soir étaient synonymes d’une légère angoisse. Où consulter ses mails hors “temps de travail” était tabou sous réserve d’introduction du monde du travail dans la sphère privée.
Dans la vie, je trouve que ce qui est rude ce sont les débrayages-embrayages, ces faux passages d’un univers à l’autre ou d’une posture a l’autre. Je dis “faux” car ériger des barrières alors que la vie est un tout et cloisonner les univers alors que tout existe à chaque instant n’a été ni très efficace ni très utile pour moi.
Aujourd’hui les transitions sont plus douces et me coutent moins d’énergie. C’est mon esprit qui change de focus et qui reste “là où il est quand il y est” avec moins de peine et moins de lutte. Je n’ai plus l’impression de travailler quand je traite des sujets de travail pendant mes vacances, ni de chômer quand je parle d’un sujet personnel avec les équipes. J’ai toujours des moments d’envie ou pas envie, ça ça ne change pas ! Mais ça n’est plus un poids.

La question est : qu’est ce qui a changé ?

Un courant de fond probablement en premier lieu : la méditation, l’apaisement émotionnel ont fait beaucoup. Prendre les choses comme elles viennent, penser la vie comme un tout et avoir le courage de faire face à la réalité telle qu’elle est sans ambages… Un exercice sans cesse renouvelé.

Ensuite, le résultat de choix conscients sur le long terme : je trouve de l’intérêt et du plaisir à ce que je fais, le travail n’est pas associé systématiquement au labeur. J’ai acquis une confiance dans ma capacité à délivrer et réagir, sans peurs et avec moins d’hésitations. Je me donne plus souvent la liberté de faire quand/comme je veux. Je sais pourquoi je suis là, et je vis plus dans la réalité que dans la théorie des possibles.
De façon plus pragmatique, j’ai sans doute une vie plus équilibrée au global, moins “d’accessoires” nécessaires dans les différents domaines, plus de frugalité, une bonne organisation, une meilleur hygiène de vie…la base, mais ça ne l’était pas pour moi 🙂

Et puis je suis la même, moi-même, dans toutes les sphères. L’année de free-lance a aidé, qui a accéléré le fait que mon travail et ma vie soient beaucoup plus cohérents et imbriqués. Du coup, il se crée un continuum qui fait qu’il n’y a plus de dimanche soir ! C’est un soir comme les autres. Et si ça n’est pas le cas, c’est beaucoup plus facile à supporter car je sais que cela passera et que ça n’est pas une fatalité.

Tu sais, en cherchant bien, il y a surtout une chose : j’ai beaucoup de chance. Les conditions et mon entourage en ce moment sont vraiment très favorables. Je ne maîtrise rien, et cela peut changer. Alors gratitude, humilité et joie!

Et le jour ou le dimanche soir sera à nouveau le bord de la falaise je sais que je pourrai t’appeler 😉

Bises !

F/.

Sur un chemin de rando

Salut F/,

Je n’avais pas forcément prévu d’écrire un bonbon en cette fin de semaine, et puis il y a eu cette première journée de rando en solitaire… la première de ma vie!

Toute la semaine, j’ai été habitée par cette petite appréhension, celle de partir à l’aventure, quand on se sait pas où on va, qu’on ne sait pas comment ca va se passer, quand on se demande aussi un peu pourquoi “on s’inflige ça”! Heureusement que je suis une battante un peu têtue, sinon je pense que le projet serait tombé à l’eau – je ne suis quand même pas en Alsace si souvent, alors autant profiter d’être chez moi, en Terre connue, non? Et puis le plaisir est arrivé, comme il arrive toujours dans ces cas: en laçant mes chaussures de rando, en préparant mon sac et en y glissant le topoguide, en commençant à repérer l’itinéraire, en découvrant la première balise de GR.

Il y a d’abord eu la phase où le corps se met en route, où les sensations physiques prennent le dessus, le souffle un peu court dans la première montée, les bretelles du sac à dos un peu humides par la sueur. A suivi la phase de réflexion profonde, les pensées se succédant, nombreuses, sur les sujets d’interrogation du moment.

Et puis est arrivée la phase pour laquelle j’aime tant la rando : le lâcher prise, l’esprit qui s’évade, une sorte d’état méditatif qui capte les sons et les odeurs autour de soi. Je me mets alors à chantonner, je trouve mon rythme, je suis bien.

C’est alors que la “vraie” rando commence, que j’ai envie d’aller au bout du monde et de ne jamais m’arrêter. 

Il y a encore quelques semaines, je pleurais dans les bras de mon homme en lui disant que je n’en pouvais plus de me poser autant de questions, de “travailler sur moi”, d’avoir le sentiment que ce ne sera jamais fini. Et aujourd’hui, j’ai compris pourquoi je faisais tout ça : le plaisir de se connaître assez pour savoir ce dont on a besoin, ce qui nous remplit et nous équilibre, à un moment bien précis de sa vie, ça n’a vraiment pas de prix.

Grosses bises vosgiennes!

V/.