Salut F/ !
Je déroge pour une fois à la règle selon laquelle nous ne gardons pour nos bonbons que des sujets qui n’ont pas été abordés (voire surabordés!) dans nos échanges WhatsApp… et pourtant, celui-ci me semble tellement fondamental qu’un bonbon sur ce thème a complètement sa place sur l’Upside Down.
Plongée dans la grande marmite de l’entrepreneuriat depuis bientôt un an, je suis régulièrement mise face à ces grandes questions (pour moi-même, et bien sûr aussi pour les personnes que je rencontre et que j’accompagne) : jusqu’où faut-il aller dans un projet? Est-ce que c’est le bon moment d’arrêter ? A partir de quand le fait de continuer risque de me faire plus de mal que de bien ? est-ce qu’arrêter aujourd’hui n’est pas une forme de refus d’affronter des choses qui me font peur ?
Si l’on réfléchit bien, cette question se pose aussi dans des champs bien plus vastes que celui de l’entrepreneuriat. Dans tout job, salarié ou non, dans des relations amoureuses, dans un projet de déménagement ou de départ en voyage, bref… dans tous les grands domaines de la vie (sauf peut-être celui d’avoir des enfants, où l’abandon prend une tournure très différente 🙂).
Et puis, d’un autre côté, il est communément admis que “le bonheur est le chemin”, que “les expériences nous façonnent et font de nous ce que nous sommes aujourd’hui”, “qu’on ne revient jamais en arrière en réorientant son projet”. Je partage très largement ces principes, et fais moi aussi tous les jours l’expérience qu’on ne recommence jamais les choses à zéro.
Mais alors, finalement, qu’a-t-on peur d’abandonner en arrêtant un projet, une relation?
J’ai longtemps cru que ce qui était dur, c’était de lâcher le projet lui-même, que c’était frustrant de ne pas aller “au bout” (quel bout d’ailleurs?).
Je me dis aujourd’hui que peut-être, ce qui est encore plus dur que cela, c’est de lâcher une forme de stabilité, l’idée que “ca y est, j’ai trouvé mon truc dans la vie”, un équilibre après des jours ou des années de réflexions. De se dire que la recherche continue, en prenant une forme nouvelle qui reste à découvrir, qu’on se relance dans l’inconnu. Personnellement, je commence à toucher du doigt que finalement, c’est bien cette recherche qui me fait vibrer, le frisson d’oser faire des choses différentes, d’aller vers des personnes inconnues, de changer de cadre.
Je te souhaite un bon dimanche et m’en vais crémer mes petits coups de soleil suite à ma session “plage” d’hier!
bises et à bientôt,
V/.
Hello V/ !
J’adore ce bonbon. Déjà parce que je t’imagine avec tes coups de soleil. En plus j’ai pris beaucoup de plaisir à lire et sentir. Et aussi parce que j’ai envie de dire oui oui oui!!
Oui la vraie question est « aller jusqu’au bout mais quel bout? ».
Je concluais mon dernier bonbon par une notion de cycles de vie; en te lisant je me dis que c’est même plutôt un continuum de vie dans lequel nous sommes.
Je crois qu’effectivement en tant qu’humains nous avons besoin de nous fixer des univers à taille mesurable, pour avancer et ne pas avoir peur de l’immensité des possibles. (Ce champ des possibles qui tétanise parfois comme tu l’as expérimenté ce week-end !).
Du coup nous nous fixons des projets mesurables, avec un début et une fin. Et nous espérons jouir de cet état final assez longtemps, et nous nous y attachons. Et nous souffrons de lâcher cela quand bien même nous n’en sommes pas fiers ou satisfaits au moment où nous l’atteignons. « Abandonner » dis-tu, fuir (j’avais eu un déclic en lisant « éloge de la fuite »)… on n’aime pas!
C’est ce que j’ai coutume d’appeler « la première île ». Tu pars en bateau, tu quittes la terre, tu quittes le port, tu as du mal à partir si tu n’as pas une île en vue. Cette île est nécessaire.
Mais une fois sur cette île, « c’est pas complètement ça ». Un ressenti diffus que quelque chose n’est pas encore totalement juste s’installe. Et puis de là où tu es « arrivée », tu vois l’île suivante, que tu n’aurais jamais vue si tu n’avais pas quitté terre. Tu as changé de perspective.
Alors dilemme : j’investis la première île en me disant que c’était ça l’objectif et je m’y accroche, ou bien je pars vers la suivante ? À quel moment je devient zappeur/inconstant/fuyard et à quel moment je suis dans la recherche vivante et créatrice ? Tu décris cela tellement bien. À fortiori quand tu vois une deuxième île avant d’avoir accosté sur la première!
Au fond, la clé du bonheur/de la vibration c’est sans doute de faire volet en éclat les limites. Les « début et fin » ne sont que des repères artificiels pour se mettre en mouvement, mais qui provoquent aussi de la souffrance et de la perte d’énergie. Si l’on considère que la vie est un continuum, une succession d’instants de conscience, alors la seule question et le seul étalon c’est l’état dans lequel on est ici et maintenant. Et c’est là qu’est le vrai travail pour arriver à démêler cet état enfoui sous des couches d’émotions, d’énergie, de fatigue, de croyances, de ce que nous renvoient les autres…
Pour sortir de la métaphore marine et atterrir :
Si tu sens que ce village n’est pas la bonne étape, continue à marcher. Peu, importent tes réservations déjà prises, peu importe le fait que tout le monde t’ait dit que cette auberge est incontournable. Ou que tu l’aies toi même défendu devant eux. Si la vibration te porte ailleurs, tu sauras trouver un autre bivouac où tu seras mieux. Ça n’est ni une fuite ni un abandon c’est juste la réalité.
Si tu sens que ce chemin te mène à une impasse, fais demi-tour. Peu importe le chemin parcouru, le temps passé, l’argent investi. Le chemin est toujours plus rapide au retour et tu marcheras le cœur moins lourd.
Si tu sens que tu dois rester là où tu es, reste. Settle down. Ne te demande pas s’il y a mieux ailleurs, plus loin. Quand la vibration s’éteindra tu repartiras. N’aie pas peur de ce moment là c’est que ton temps sera venu de reprendre la route et ce ne sera pas un deuil mais une continuité.
Quoi qu’il arrive les amarillos peupleront ton chemin tant que tu seras ouverte sur toi et sur le monde. Comme tu l’es.
Je t’embrasse.
F/.