Marre du “waouh”

Salut F/,

Coup de gueule du mercredi matin… Je commence la journée en compagnie de mon émotion “lame de fond” comme tu l’appelles, la colère!
Depuis plusieurs années, je constate chez certaines grandes entreprises pour lesquelles je travaille une course à “l’effet waouh”, dans le choix des activités proposées aux collaborateurs en séminaire (il faut toujours faire mieux, plus grand, plus impressionnant que l’année d’avant), les intervenants externes qui viennent parler de leur expérience (“oui, il est multiple champion de France dans sa discipline mais bon, en tant qu’orateur, il est un peu faible”), les modalités d’animation (“les post-its, on n’en peut plus, vous ne pourriez pas nous trouver quelque chose de plus divertissant?”). Ça m’énerve !!! Le consultant, devenu animateur-waouh lui aussi, doit créer des expériences de plus en plus fortes, de plus en plus dingues, dans une course effrénée, mais vers quoi au juste?

Pour moi, le fond est tellement plus important que la forme (je ne dis pas que la forme ne compte pas, elle apporte parfois énormément au fond, dans la mise en relief, l’expérience émotionnelle, la création de décalages) que je crois que je ne comprends pas bien cette obsession du “waouh”.

Pour moi, ce qui est waouh, c’est d’être capable de dire la vérité, avec humilité, de parler de ce qui est et de ses limites en respectant l’autre, de regarder les choses telles qu’elles sont pour agir ensuite, d’oser faire des petites choses différemment, et de prendre du recul sur soi, de faire une concession parfois difficile face à l’autre pour le bien du collectif.

De parler vrai, de sortir de sa zone de confort en testant des modes relationnels un peu différents, plus engageants.

En t’écrivant, je me rends compte que c’est ça que j’aime dans mon métier : aider chacun à développer des relations profondes et authentiques, avec soi-même et les autres, pour faciliter le vivre ensemble, qui à mon sens va être tellement clé dans les années à venir avec les changements énormes qui s’annoncent (je lisais encore ce matin un article sur l’extinction massive des espèces qui m’a donné envie de pleurer, mais c’est un autre sujet). Ça me donne envie de m’engager, toujours et encore, de ne pas lâcher ce “combat” qui est le mien.
Ouf, je me sens mieux. Vive l’écriture et sa vertu de catharsis!

Bises et bonne journée,

V/.

L’été, le moulin, l’amitié

Chère V/,

J’espère que tu profites à ton tour de ta journée de vacances en bonne compagnie ! De mon côté temps idéal, rythme calme, et même pour ce qui pourrait être une “rentrée” après ma semaine de vacances c’est plutôt doux.

J’ai retrouvé mon espace temps comme par magie, fin du programme essorage de la machine à laver, place au séchage au grand air! J’ai les neurones clairs, le corps détendu, le cœur en paix et mes projets m’habitent et cohabitent sans se piétiner.
Pour prolonger et partager, je t’offre un bonbon léger sur la semaine écoulée.

D’abord, il y a la nature. Les grands arbres centenaires qui entourent la maison me tiennent assise sur le rebord de la fenêtre à contempler pendant des heures. La campagne est belle en été, même quand elle est cramée, du jaune des champs moissonnés ou du soleil qui a trop donné! Elle me ramène aux longues journées d’enfance dans la ferme de mes grands-parents. C’est tenace les ancrages, heureusement les bons aussi.
Ensuite, il y a les vieilles pierres, leur fraîcheur sous le cagnat, leur blancheur, leur beauté. Voir du beau dedans dehors juste en levant les yeux, c’est un luxe dont j’aimerais faire mon habitude.
Il y a le calme aussi, total la nuit, presque aussi le jour puisque les oiseaux et les animaux ont fui la chaleur. La paix.
Et puis du temps long, étiré, non morcelé. Un temps devant soi sans rien dedans, qui accueille n’importe quel rythme. Bonheur absolu ! Bonheur souverain ?
Le soleil, la lumière, la chaleur. Enoooorme chaleur. Sans elle je n’aurais pas ralenti mes gestes, posé mon corps, suspendu mes activités aussi totalement. Salvatrice chaleur qui rend le repli et l’inaction incontournables, physiologiquement !
Heureusement, il y a aussi l’eau : la chute du moulin d’abord, qui chante par tous les temps et rafraichit la maison et même l’esprit. La piscine en plein air, où les longueurs de nage quotidienne libèrent de la pesanteur. Et la pluie, enfin, fine et fraîche, après la sécheresse. Dessous, dedans, de l’intérieur, on se saoule à son odeur de terre mouillée.

Et surtout, il y avait mon amie, celle d’un autre continent, celle que je vois peu, celle avec qui j’ai tant partagé depuis mes 18 ans, celle avec qui je vis comme je respire, toujours autant qu’avant.
Et puis il y avait toi aussi ! Ta semaine de typhon interne externe, tes recherches, tes découvertes, et nos échanges ligne de vie. Puisse un peu de cette bonne et puissante énergie parvenir jusqu’à toi et nous porter jusqu’à la fin de l’été, notre prochain moment ensemble!

VIEve les amiEs.

A bientôt.

F/.

Un non pour un oui

Bonsoir F/,

C’est dans la fraîcheur du soir que je t’écris – la journée a été chaude, puis le vent s’est levé, et la petite brise qui souffle à présent me donnerait presque des frissons… Ça fait du bien.

Il aura fallu attendre ce jeudi soir pour trouver l’inspiration pour le bonbon de la semaine. Beaucoup de sujets qui ont occupé mon esprit, et puis aussi la puissance, presque intimidante, de nos deux derniers échanges qui m’ont fait me demander : que vais-je pouvoir amener comme sujet qui sera à la hauteur?

Et puis, à la hauteur ou pas, le sujet est arrivé tout seul, ce midi, dans la bouche d’une personne dont je viens de faire la connaissance dans le cadre de mes rencontres professionnelles, et qui me disait que lors des séances de coaching qu’elle faisait vivre à ses clients, il y avait une question qu’elle aimait tout particulièrement poser :

“Quand tu dis non à quelque chose ou à quelqu’un, à quelle partie de toi dis-tu véritablement oui?”

J’adore cette phrase, tout d’abord parce qu’elle est tournée de façon tellement plus positive que celle que j’avais entendue il y quelques années (“quand tu dis oui à quelqu’un, assure-toi que tu ne dises pas non à une partie de toi-même”), qu’elle ouvre un champ de réflexion passionnant, et aussi et surtout parce que, d’une certaine manière, elle résonne très fort par rapport aux sujets qui me préoccupent en ce moment!

Est-ce la société qui fait de nous, les femmes, des êtres dont on attend qu’ils répondent avant tout aux besoins des autres? Ou est-ce le syndrome de la bonne élève, qui ne veut pas décevoir et préfère se plier aux désirs de l’autre pour “faire plaisir”? Dans tous les cas, que de paradoxes dans cette phrase… et que de possibilités aussi! Tout cet espace qu’ouvre le “non”, son pouvoir libérateur que j’expérimente sur des sujets de plus en plus fondamentaux pour aller vers moi-même et ces aspects de moi qui me sont encore inconnus, ces nouvelles possibilités qui font peur mais qui, aussi, font vibrer très fort des choses qui me reconnectent à qui je suis et à ma fameuse “singularité”… Que de puissance dans ce mot! Et que me réserve-t-il encore?

Merci encore pour ton petit paquet qui, dans tout ce qu’il contient, me donne beaucoup de force pour continuer à m’engager sur mon chemin.

Je t’embrasse,

V/.

Soutenir le vide

Re-bonjour V/ !

Après une période de production de bonbons un peu laborieuse de ma part, je prend de l’avance cette fois ! Merci à toi d’avoir soutenu le rythme ces dernières semaines et d’avoir, avec une main de fer dans un gant de velours, permis que nous continuions nos échanges qui me sont chers autant qu’à toi !

J’ai partagé et diffusé récemment avec toi et deux autres amies proches une phrase. Elle me vient d’une femme qui m’a beaucoup aidée et inspirée, et j’ai envie d’y revenir ici. Dans une période assez difficile pour moi il y a longtemps, elle m’a dit :

“Avant de chercher à l’extérieur comment combler ou remplir, il faut d’abord apprendre à soutenir ce vide”

Itaka

Je n’ai pas compris tout de suite, et puis c’est devenu un sésame pour moi, que je ressasse comme un mantra depuis lors, pour qu’il diffuse à tous vents.

Le vide, c’est celui que l’on ressent quand il y a trop d’espace, trop de possibles. Parce que l’on n’a rien prévu comme activité, qu’il n’y a pas de contraintes et que le temps est ouvert, béant devant nous. On en rêve souvent et finalement quand cela se présente il y a un moment d’hébétude, un réflexe de “je fais quoi maintenant tout de suite ?”.

Un autre vide, c’est celui laissé par l’absence, d’un être cher ou d’un compagnon de route, ou plus simplement de ceux qui partagent habituellement notre vie quotidienne. Ou simplement celui d’un week-end ou d’une soirée sans contacts avec le monde extérieur.

Et puis il y a le vide de sens, que certains ne connaissent pas, que j’ai découvert assez tard pour me souvenir comment c’était avant (avant j’avais un mécanisme dans la tête qui ne s’enrayait jamais, je trouvais que les gens se posaient des questions compliquées, et j’étais bonne en Maths). Je l’appelle maintenant faille ou vide existentiel(le). Il nous rattrape parfois alors même que l’on est dans une soirée entourée de beaucoup de gens, qui ne voient pas le trou à l’intérieur de toi.

Bref, tu vois de quoi je parle puisqu’il t’a visitée récemment, ce vide dans sa version positive du “champ des possibles”.

Soutenir ce vide, ça veut dire résister à la tentation de ne pas le regarder, de l’éviter, de le combler. Au moins un peu. Commencer par ne pas agir (c’est pas instinctif), le ressentir (c’est pas drôle), le contempler (ça peut angoisser, ça peut faire mal) et puis rester avec (c’est assez étrange au début). Et puis là, une détente se crée, une urgence disparait, une angoisse s’apaise. On peut se demander “de quoi on a besoin” et pas “ce qu’on va faire”. Si l’on arrive à faire ça, petit à petit, la peur du vide disparait, on ne tombe pas dans le vide, et le vide aussi finit par se dissoudre. C’est ce qu’on appelle le vide fertile !

(Si, je te jure, le vide ça se dissout. Si si.)

(Non, je ne vais pas te mentir, je n’y arrive pas à chaque fois. Non non.)

Mais ça m’a changé la vie!

Grosses bises!

F/.


Le courage d’abandonner

Salut F/ !

Je déroge pour une fois à la règle selon laquelle nous ne gardons pour nos bonbons que des sujets qui n’ont pas été abordés (voire surabordés!) dans nos échanges WhatsApp… et pourtant, celui-ci me semble tellement fondamental qu’un bonbon sur ce thème a complètement sa place sur l’Upside Down.
Plongée dans la grande marmite de l’entrepreneuriat depuis bientôt un an, je suis régulièrement mise face à ces grandes questions (pour moi-même, et bien sûr aussi pour les personnes que je rencontre et que j’accompagne) : jusqu’où faut-il aller dans un projet? Est-ce que c’est le bon moment d’arrêter ? A partir de quand le fait de continuer risque de me faire plus de mal que de bien ? est-ce qu’arrêter aujourd’hui n’est pas une forme de refus d’affronter des choses qui me font peur ?

Si l’on réfléchit bien, cette question se pose aussi dans des champs bien plus vastes que celui de l’entrepreneuriat. Dans tout job, salarié ou non, dans des relations amoureuses, dans un projet de déménagement ou de départ en voyage, bref… dans tous les grands domaines de la vie (sauf peut-être celui d’avoir des enfants, où l’abandon prend une tournure très différente 🙂).
Et puis, d’un autre côté, il est communément admis que “le bonheur est le chemin”, que “les expériences nous façonnent et font de nous ce que nous sommes aujourd’hui”, “qu’on ne revient jamais en arrière en réorientant son projet”. Je partage très largement ces principes, et fais moi aussi tous les jours l’expérience qu’on ne recommence jamais les choses à zéro.

Mais alors, finalement, qu’a-t-on peur d’abandonner en arrêtant un projet, une relation?

J’ai longtemps cru que ce qui était dur, c’était de lâcher le projet lui-même, que c’était frustrant de ne pas aller “au bout” (quel bout d’ailleurs?).

Je me dis aujourd’hui que peut-être, ce qui est encore plus dur que cela, c’est de lâcher une forme de stabilité, l’idée que “ca y est, j’ai trouvé mon truc dans la vie”, un équilibre après des jours ou des années de réflexions. De se dire que la recherche continue, en prenant une forme nouvelle qui reste à découvrir, qu’on se relance dans l’inconnu. Personnellement, je commence à toucher du doigt que finalement, c’est bien cette recherche qui me fait vibrer, le frisson d’oser faire des choses différentes, d’aller vers des personnes inconnues, de changer de cadre.

Je te souhaite un bon dimanche et m’en vais crémer mes petits coups de soleil suite à ma session “plage” d’hier!

bises et à bientôt,

V/.

Solitude générationnelle

Hello V/ !

Toujours un peu dans la machine à laver, j’ai l’impression que le mois de juin a comme d’habitude fait l’effet d’une fin de programme pour moi : je suis rincée, essorée! Mais l’avantage c’est que je sens que l’ouverture du hublot est proche 🙂 Merci de me procurer un point fixe quand je regarde à travers, c’est un des ancrages précieux qui m’aide à ne pas avoir le mal de mer. Trêve de métaphore ménagère, je viens partager avec toi un drôle de sujet : je suis à la recherche de ma génération.

Ces derniers temps j’ai commencé à penser mes coups “à 3 bandes” : l’étape suivante, puis l’autre, qui mène à dans 10 ans. “Dans 10 ans” c’est une intuition mêlée de quelques images, absolument pas une position précise. Je réfléchis sous l’angle professionnel parce que c’est là qu’est le point d’inflexion aujourd’hui, mais du coup cela tire des sujets plus larges. Pour aider, j’ai rencontré et échangé avec pas mal de monde. En très peu de temps.

J’en suis ressortie avec un sentiment de solitude générationnel.


Je me sens vieille, et jeune, et trop vieille, et trop jeune, et où sont-ils les gens de mon âge ? Age tout court, mais aussi âge mental, physique, professionnel, spirituel… Je parle plutôt de maturité que d’âge en nombre d’années en fait.

J’ai pourtant fini ma 36è année en me disant que c’était une des plus belles de ma vie. Pleine, épanouie, simple, alignée, redistribuante (c’est moche mais ça dit bien ce que ça veut dire!). Un sentiment de justesse et d’harmonie qui se suffit à lui même mais qui circule autour. L’âge en soi n’était pas un sujet, j’ai toujours senti la vie comme des cycles, et à un niveau très personnel j’avais l’impression de “bien habiter mon âge”. Et pourtant en ce moment…

  • Je me retrouve face à beaucoup de personnes plus jeunes, voir beaucoup plus jeunes, qui font et disent la même chose que moi. Qui semblent avoir dépassé des peurs que j’ai toujours. Qui semblent plus à l’aise sur beaucoup de sujets (ok je bosser dans le digital… mais quand même). Suis-je déjà dépassée ?
  • Et en même temps qui manquent d’une forme de quelque chose parfois qui me manque, et que j’ai besoin d’aller chercher chez des “plus vieux”. Suis je gérontocrate ?
  • Je me retrouve face à des gens plus vieux, auprès desquels je cherche nourriture et vision, pistes et intuitions, et que je ne trouve pas. Suis-je trop exigeante ? Trop naïve ?
  • Et en même temps qui ont un statut un poste une expérience qui me semblent bien supérieurs au mien. Suis-je en retard ?

Mais où sont-ils ces gens de mon âge? De mon âge de vie je veux dire. Incroyable mais vrai, dans aucun cercle professionnel actuellement je ne partage cette équivalence d’âge et de vie. Je me sens donc en avance/en retard, puissante/minuscule, humble/prétentieuse, meneuse/suiveuse, en retrait/en avant, fière/honteuse… Tout en même temps !

Je crois qu’en t’écrivant la réponse me vient d’elle-même : il n’y en a pas, ou alors juste pour un temps. Mon rythme est singulier et c’est une chance d’avoir des compagnons de route mais normal de faire des portions seule. Allez ma grande, marche seule et hauts les cœurs !

A toi chère amie 🙂

F/.