Salut F/,
Après une semaine bien remplie, quel plaisir que de trouver ton cadeau dans ma boîte mail… Un blog, rien qu’à nous! et que d’autres gens pourront lire! C’est excitant, et ça fait un peu peur à la fois… Dans tous les cas, je suis ravie de vivre cette aventure avec toi, et de voir où cela va nous mener.
Comme tu le sais, je suis une grande fan du podcast “La Poudre”, qui à chaque épisode me fait réfléchir sur des sujets de fond, me touche, voire m’émeut quand j’écoute tous ces parcours de femmes courageuses, engagées et tellement créatives. Le dernier à m’avoir marquée est la discussion entre Lauren Bastide et Déborah Lukumuena, l’une des actrices principales du film “Divines”. L’une des phrases qu’elle a prononcée au micro de Lauren était la suivante :
“Il y a des temps pour parler, et des temps pour se taire. J’ai beaucoup parlé, j’aimerais maintenant qu’on m’entende dans mes silences.”
J’ai ressenti quelque chose de très fort à l’écoute de cette phrase. Pour la grande bavarde et extravertie que je suis, un nouveau champ s’ouvrait à moi: ah bon? on peut être entendu dans ses silences? mais ça veut dire quoi exactement? Tout le monde sait que “la parole est d’argent, mais le silence est d’or”, mais dans tout ça, qu’est-ce que l’autre perçoit? Qu’est-ce qu’il comprend de ce silence? Comment sait-on si le silence a été bien compris? Quel lien entre silence et non verbal?
Je n’ai pour le moment aucune idée de la façon dont je vais creuser ce sujet, mais ça me donne envie d’expérimenter, et j’y vois d’ailleurs un lien avec notre dernière discussion sur le pouvoir versus le leadership. Comment un leader manie-t-il le silence pour laisser un espace de créativité à ceux qui l’entourent?
Je te fais de grosses bises et suis très heureuse de te voir demain à Paris!
V/.
Hello V/ !
Effet bœuf de recevoir un bonbon directement sur la toile. Et quel bonbon ! J’avoue, c’est un sujet pour lequel j’ai beaucoup de tendresse, le silence, et ça n’a pas toujours été le cas.
Je crois que j’aurais pu faire des colliers avec tous les « bavarde » inscrits sur mes bulletins. La maîtrise des mots et de l’oral a toujours été une de mes caractéristiques. Et je demande publiquement pardon à mon frère pour qui je me suis longtemps demandé si les repas de famille n’étaient pas une épreuve de « densité » de paroles…
Le silence fut un objet de fascination très tôt puisque que j’en usais si peu. Et c’est amusant car j’ai lu ton post chez mes parents, après que ma mère m’a ressorti un carnet d’adolescence ou je calligraphiais des proverbes dont les premiers étaient :
« Si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence, alors tais-toi »
« Ne dépense pas deux mots si un seul te suffit »
Dans les dix actes non vertueux des enseignements du Buddha figure « la parole malveillante », ce qui est assez facile à concevoir, mais aussi la « parole inutile ». Il m’a fallu du temps pour comprendre en quoi c’était si grave…
Le déclic, ce fut quand mon mari me dit un jour il y a longtemps, dans un refus de continuer une discussion « Et puis tu sais, il y a d’autres façons de communiquer que de parler ». J’ai ri en te lisant tout à l’heure, j’étais exactement comme toi : pantoise !
Alors j’ai essayé. J’ai regardé mes mots, j’ai retenu mes mots. Et puis j’ai travaillé sur le ressenti, émotionnel d’abord, puis physique. Plein de choses passent alors, même dans le noir. Il y a une façon d’être là et une présence à soi et à l’autre qui peut se passer de mots et que les mots peuvent masquer. Un état d’être vs un état de dire ou de faire. Mais pour explorer cela il faut aussi une grande détente et dépasser sa peur de disparaître.
Pendant longtemps, j’ai eu l’impression de n’exister que par le Verbe. Comment exister sans ?
Un silence, c’est tout un univers, c’est vaste, c’est une respiration, c’est plus précis et moins déformé que les mots que l’on met dessus. Mais c’est aussi parfois un trou noir dans lequel on disparait si personne ne vient nous y chercher.
C’est ce que j’entends dans cette belle phrase que tu as donnée comme titre à ton billet. « Être entendue dans mes silences », ça veut dire déjà être perçue. Même pas comprise, non, juste prise en compte. Identifiée. Exister aux yeux des autres et aux yeux du monde sans donner de la voix.
Je ne sais pas trop dire comment cela possible, pourquoi cela arrive parfois, et parfois non. Ce qui me vient naturellement c’est « amour ». Cela arrive quand à cet endroit là il y a de l’amour.
Pffff… va terminer une réponse là-dessus !
Sans conclusion donc, je t’embrasse.
F/.