Salut F/!
Et voilà, reprise des bonbons… et avec beaucoup d’énergie me concernant!
Et pour changer, je vais t’écrire sur un thème qui me tient à coeur, et qui a déjà été récurrent dans nos échanges… La famille!
Je viens de passer 24 heures avec mes beaux-parents, et même si nos relations se sont bien améliorées, il faut dire que ce sont toujours des moments douloureux pour moi… Trop de différences, dans la manière de penser, de vivre, de se comporter, de vivre une relation. Comme à chaque fois, je suis mise en difficulté, tiraillée entre mon incapacité à vivre paisiblement la situation, et la conscience que la manière dont je me rencontre est loin de ce que je prône en termes de valeurs, qu’il s’agisse du cadre personnel ou professionnel. Forcément, ça perturbe.
Et puis cette fois, alors que je me promenais avec eux au bord d’une rivière, j’ai commencé à me demander pourquoi la société nous imposait comme cela de faire des efforts, avec la famille nucléaire et la famille “rapportée”. Pourquoi est-ce si mal vu que de ne pas faire d’efforts avec ces personnes que, finalement, on n’a pas choisies? Pourquoi montre-t-on tellement du doigts untel qui est fâché avec sa soeur, ou unetelle qui ne parle plus à ses parents? Comme si ca devait être honteux de ne pas justement faire “l’effort qu’il faut” pour que ca se passe bien?
Couper des liens pensants, ca peut pourtant être libérateur aussi… alors, jusqu’où aller? Je sais que ces réflexions résonneront chez toi.
Grosses bises et bon dimanche,
V/.
Ma chère V/,
Je t’écris au milieu d’un samedi après-midi pluvieux, le premier qui me semble être un vrai samedi d’automne. Et j’aime ça.
Merci, moi aussi je suis entousiaste de remplir la bonbonnière !
Mon délai de réponse contraste avec cet entousiasme, car je ne savais pas par quel bout prendre ce bonbon.
Aujourd’hui, c’est ta question qui résonne en premier : “… alors jusqu’où aller ?”
Aller jusqu’au bord de cette rivière avec eux, quand je me souviens de nos échanges il y a 5 ans, c’était presque inenvisageable.
Et pourtant, cette relation en pointillés que tu as maintenue a apporté aussi des respirations dans ta vie (je parle des gardes d’enfant).
Alors une première réponse, pour moi à, “jusqu’où aller” est dans ces pointillés : la longueur des traits (le lien), et la longueur des vides (la rupture).
Aller jusqu’à la longueur du trait qui est juste pour soi, et puis ensuite se retirer. Laisser le vide, assez de temps pour se ressourcer.
Rompre régulièrement en somme. Physiquement, intérieurement, mais sans effets d’annonce.
Claire Marin, dans son livre Ruptures dit “Il faut parfois rompre pour “se sauver”, c’est à dire à la fois fuir et sauver sa peau, se sauver en rompant avec ce qui menace ou empêche d’exister. (…) Il faut alors créer, par la rupture, les conditions d’apparition et de réalisation de soi”.
Equilibre des efforts, équilibre des intégrités, équilibre des valeurs. La longuer des vides c’est une équation au présent, avec notre moi du moment.
Je trouve que tu as su faire cela dans ta relation avec tes beaux-parents. Peut-être qu’à chaque vide, à chaque rupture, tu as été montrée du doigt, peut-être que certains traits sont encore trop longs et douloureux pour toi (ou pour eux). Mais au final tu gardes ton intégrité et tu tiens ta ligne, même pointillée. Et tu en retires des bénéfices (pour toi, ton mari, tes enfants).
Je ne sais pas si tu te sentiras moins tiraillée la prochaine fois en te voyant sur un trait entre deux ruptures, le ciseau à la main, la coupure au bout des doigts. Sans doute la guerrière au moins en sourira.
En tous cas, en attendant mieux, je dis oui à la méthode du pointillé, et oui à l’intégrité !
Bises.
F/.