Un goût de rien…

V/,

J’enfreins la règle du bonbon hebdomadaire et je t’en envoies un alors que ça n’est pas mon tour. Et que c’est Dimanche. Tu me recadreras si besoin. Mais là, même si tu dois dormir dans ta maison au bord de la mer à l’heure qu’il est, j’ai vraiment besoin de te parler.

Comme à chaque fois que je me ballade sur Linkedin, sur internet et sur YouTube (ce qui m’arrive très, très rarement en fait, contrairement à toi), je sors de là avec une sensation étrange de non-sens et une envie de me retirer du monde, de me cacher et surtout une grande impression que moi « je ne fais rien ».

Je ne suis fondatrice de rien, créatrice de rien, experte de rien, spécialiste de rien.

Oui, maintenant tout le monde a créé quelque chose, fondé une association une boîte, un think tank, une Appli… Et puis aujourd’hui, on n’est plus animateur mais « experience leader », plus consultant mais « change maker » et puis tout le monde est « specialist » ou « strategist » ou « expert »…. Bon, sur ce premier point je mets cela sur le compte de ce biais cognitif scientifiquement prouvé qui fait que « quand tu vas sur un réseau social tu as vraiment l’impression d’avoir une vie sans intérêt et tu as tendance à déprimer plus que d’habitude ». Et puis moi, ne suis pas un créateur je suis un catalyseur : une substance qui quand tu la mets dans une solution en présence d’autres substances les fait réagir entre elles pour donner une solution nouvelle, et qui disparaît dans ce processus.

Le deuxième point est plus embêtant, cette envie de se retirer du monde c’est pas simple par les temps qui courent. Au lieu d’être contente de retrouver des connaissance parmi les connaissances, je me sens comme au milieu d’un tourbillon social, comme si je ne pouvais plus avoir un endroit d’intimité. Mais finalement, ça aussi je sais que c’est un effet ponctuel de ma visite trimestrielle sur Linkedin. Et puis moi, je ne suis pas une femme publique, je suis une relationnelle « présentielle », locale et intimiste.

Le non sens, c’est qu’en lisant je suis surprise car ce sont gens qui, quand tu les connais, ne partagent pas en vrai les choses qu’ils partagent sur Linkedin. Et du coup ça me paraît fake, fake, fake. Et ça me déprime. Comme si internet et le réseau enlevait tout son sens au sens. Tous ces gens qui disaient du mal les uns des autres et qui maintenant se “likent”, tous ces mots et ces concepts à la mode, tout ce bruit pour pas grand-chose, si peu de chose. Toute cette écume des choses…

Bon, je me sens mieux. Mais maintenant que j’ai réussi à dire que je trouvais que tout le monde disait du vent je me sens méchante ! Allez, ils auront tous le droit de trouver qu’on fait du vent sur L’Upside Down je me dis. D’ici là je te soumets une nouvelle règle : je veux qu’on interdise les likes sur nos correspondances 

Bises.

F/.

One thought on “Un goût de rien…”

  1. Salut F/,

    Un grand merci pour ce mail qui vient du coeur – un beau témoignage et cadeau, pour moi qui travaille justement en ce moment sur ma vulnérabilité…

    Je partage profondément ton constat, notamment sur le côté “fake” de ces relations qui prennent une toute autre forme selon qu’elles sont vécues sur le net, ou en vrai. Combien de fois me suis-je dit d’un autre ou de moi-même que ce “like” ou ce commentaire n’étaient là que pour faire plaisir, faire “bien” ou être visible sur les réseaux. Il m’est arrivé – honte sur moi, de liker un article sur LinkedIn uniquement en lisant le titre… voire même d’en poster alors que je n’étais pas allée au bout. A quoi bon tout ca? me dis-tu, et tu as bien raison.

    Plusieurs choses me viennent à l’esprit, et étant effectivement une plus grande consommatrice de réseaux sociaux que toi, je pense avoir une relation différente à tous ces médias (peut-être me suis-je simplement habituée à leur violence, qui sait?). Concernant Facebook tout d’abord, j’en ai aujourd’hui fait un lieu d’information avant tout. Peu importe les dernières vacances de mes potes, ce qui m’intéresse, c’est de suivre des comptes qui m’apprennent des choses (ce qui va de “la dernière loi votée en matière d’environnement” à “qu’y a-t-il à faire à Nantes ce week-end?”). Youtube, Twitter, Instagram et autres, je n’y mets pas les pieds, alors impossible d’en dire quoique ce soit 🙂 Pour LinkedIn, je n’ai pas encore trouvé la meilleure manière pour moi d’y naviguer. J’y vais peu, mais quand j’y vais, j’y passe (perds?) beaucoup de temps, et me retrouve avec la même impression que la tienne: tout le monde y est dirigeant ou fondateur de quelque chose, porte un titre incompréhensible par le commun des mortels, et exprime à mon avis juste un fort besoin d’exister à titre professionnel. Souvent, je me dis d’ailleurs “mais n’ont-ils rien de mieux à faire que de passer autant de temps sur LinkedIn”? (alors que j’y suis moi-même à ce moment-là, ironie de la chose!). Je crois que globalement, ca me donne surtout l’envie de revenir aux basiques, d’appeler un chat un chat et de dire que oui, je fais du conseil!

    Dans tous les cas, et je te l’avais déjà dit, j’adore ton image du catalyseur. Je la trouve très juste et poétique, et j’avoue que je te la piquerais bien! Je me pose d’ailleurs beaucoup cette question : quelle valeur donner à ce catalyseur, dont les effets sont subtils et difficilement mesurable? Pour ma part, elle est énorme, tout comme l’est le “liant” d’une relation (un vocabulaire que j’utilise davantage), mais elle est tellement difficile à faire toucher du doigt, et encore plus avant qu’il ait pu faire son effet! Ca sera sûrement l’objet d’un futur bonbon!

    D’ici-là, je te fais de grosses bises, tu as tellement raison de profiter de ton jardin plutôt que de surfer sur les réseaux 🙂

    V/.

    PS: et 1000 fois OUI pour ne pas mettre de système de “like”!

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