Salut F/.
Comment vas-tu en ce début de semaine chargée ? J’espère que tu tiens le coup et que toute l’énergie que tu as pu puiser ce long week-end dans ta maison à la campagne ne s’est pas envolée au moment où tu as posé le pied à Montparnasse !
De mon côté, petit moral depuis hier. J’ai tout d’abord imaginé appeler ce post « quand travailler beaucoup rend malheureux », et puis je me suis dit que finalement, mon problème du moment n’était pas là, ou en tous cas pas seulement là.
Depuis mon entrée dans la « vie active » (comme si j’avais passé ma vie allongée sur un canapé avant mes 24 ans !), je supporte mal ces périodes où je suis surchargée de travail et vis de rendu en rendu, de réunion en réunion, à la merci des demandes de clients qui, souvent, il faut bien le dire, entrent dans ce vaste champ que j’appelle « l’urgence artificielle ». Mes plus vifs souvenirs de mes débuts en cabinet d’audit en 2007 se résument à cette envie de pleurer à chaque fois que j’entendais « on fait une pause ? » à 20h ou qu’on me disait « à demain ! » le vendredi soir. La bonne nouvelle, c’est que je devrais, avec plus de 10 ans d’expérience supplémentaire et ce fameux statut d’indépendante avoir tous les moyens à ma portée pour ne plus revivre ces moments-là. La mauvaise, c’est que je n’arrive toujours pas à les accepter, voire même que les sentiments de rejet de « cette vie-là » sont de plus en plus forts.
Alors je me suis posé la question classique : es-tu sûre que ce boulot dans lequel tu mets tant d’énergie ait du sens pour toi ? qu’il en vaille la peine ? Après réflexion, ce que je me dis est beaucoup plus simple : ce qui m’importe par-dessus tout dans la vie, c’est d’avoir du temps pour ce qui compte vraiment :
Une attention sincère et véritable accordée à l’autre, une présence authentique et lucide à l’autre et à soi.
Et il se trouve que travailler beaucoup m’empêche justement de faire ça. Ma « bande passante de cerveau » rétrécit, mon attention s’étiole, la fatigue me gagne, et je passe à côté de toutes ces petites choses qui rendent le quotidien si savoureux. Je crois que je suis devenue accro à l’instant présent : le vivre pleinement, en pleine conscience et capacité de mes moyens. La question est maintenant : comment s’assurer cette qualité de vie au quotidien ? au moins un peu ?
Je te laisse avec une phrase d’Hemingway que j’aime beaucoup :
« Quand les gens parlent autour de toi, écoute complètement. Ne réfléchis pas à ce que tu vas dire. La plupart des gens n’écoutent jamais. D’ailleurs, il ne regardent pas non plus ».
Je t’embrasse,
V/.
V/…
Double raisonnance :
– je finis juste une présentation pour le boulot et il est 1h20 du matin, et c’est la première fois depuis deux ans je crois que cela m’arrive… et bim! Ton billet. Qui dit tout ça si bien.
– une amie chère vient de m’envoyer aujourd’hui (aussi) une citation de Hemingway (aussi) qui lui a fait penser à moi suite à la lecture de notre blog :
“Mon but est de coucher sur le papier ce que je vois et ce que je ressens le mieux et le plus simplement possible”
Cette citation est une première réponse à ta question “comment s’assurer cette qualité de vie au quotidien”. Ça soulage beaucoup de maux les mots.
Simplicité en est une autre. La question du sens à bon dos, elle est bien trop vaste, tu as raison, revenons à des considérations plus simples :
Dormir en est une ! À consommer sans modération.
Lâcher et arrêter en est une encore meilleure : quand tout te dit de faire plus, fais moins! Dans ces périodes, quand ça m’arrive de me dire “lève toi encore plus tôt demain pour faire plus”, je me donne l’injonction paradoxale d’aller boire un café au coin de la rue avant d’aller bosser, et d’arriver plus tard que d’habitude. Ça marche terriblement bien, et en sirotant ton café au comptoir demande toi pourquoi ça été si dur de faire ça, c’est plein de surprise et d’enseignements 🙂
Je te laisse avec une perspective, celle de notre prochain billet : puisque tu touches du doigt ce sujet si sensible pour moi de l’attention et la présence à l’autre qui s’étiolent en période de surcharge de travail, j’aimerais enchaîner sur “pourquoi mal parler serait-il plus grave que mal écouter ?” !
Bon courage pour demain, je penserai à toi très fort en prenant mon café au comptoir!
Bises.
F/.